Un film de Radu Mihaileanu
Tourné dans un petit village du Maroc, La Source Des Femmes de Radu Mihaileanu aborde le sujet délicat de la condition des femmes dans le monde arabe. Sortie le 2 novembre 2011
Après deux succès mérités, «Va, vis et deviens» en 2004 et « Le concert» en 2009, Radu Mihaileanu nous offre une belle fable lucide sur la condition des femmes dans le monde arabe.

Sans eau et sans amour
Un village au creux d'une vallée desséchée, peu d'arbres alentour. Les murs couleur pierre, les portes soulignées de blanc. Quelques rares taches de vert soulignent l'aridité du paysage. La caméra s'approche de la montagne et nous montre des pieds chaussés de mauvaises sandales de plastique qui cheminent lourdement sur un chemin rocailleux, inégal, difficile.
Ce sont les femmes qui vont chercher l'eau, la belle eau qu'on voit couler de la source où elles commencent par se rafraîchir, avant de remplir leur seaux et de repartir sur les cailloux qui roulent avec 15 kg sur leurs épaules. L'une d'elles tombe. Elle a très mal. Du sang coule. C'est une fausse couche. Elle subira le mépris réservé aux femmes dites peu fertiles.
Les hommes sont assis tranquillement au café. Ne l'ayant jamais fait, ils sont indifférents à la 'pénibilité' du travail des femmes. 'C'est la tradition', dira l'un des notables du village. Ils ne sont donc pas pressés de les soulager. La bureaucratie non plus n'est pas pressée: C'est la tradition, dit le fonctionnaire en costume cravate, qui ne veut rien faire, ' et ça a toujours été comme ça, dit-il au jeune instituteur qui est venu lui demander d'activer les choses. Comme ça elles sont occupées... D'ailleurs, que feront-elles une fois qu'elles auront l'eau? Elles voudront des machines à laver!'
Les Mille et une nuits
Depuis que la sécheresse a transformé les champs en déserts, les hommes ne travaillent plus. Les femmes, elles, vont chercher l'eau, le bois, on les voit porter des fagots énormes, elles font la cuisine, tissent, cousent... et en plus elles dansent et chantent pour les touristes! Mais ce sont les hommes qui empochent l'argent.
Menées par la belle Leïla Bekhti, qui joue l'héroïne du film, les femmes acceptent de faire la seule chose qui soit à leur portée, une 'grève de l'amour', jusqu'à ce que les hommes acceptent d'installer l'eau au village. Jusqu'à ce que les hommes recommencent à les aimer. Elles auront l'eau. Pour le reste...

Radu Mihaileanu insiste sur le fait que ce film est inspiré d'événements vrais, d'histoires qu'on lui a racontées, de scènes qu'il a vues lorsqu'il a séjourné dans un de ces bleds du Maghreb et qu'il a transformé en un étrange Conte des Mille et une nuits, car ici la fable colle au réel.

Sous la burka
Si les personnages peuvent sembler outrés, c'est parce que le récit prend le déguisement de la fable pour mieux dire la vérité. Mais pour qui a un peu l'habitude de l'emphase de la langue arabe, la qualité poétique des textes dits et chantés sonne juste.
N'en déplaise à certains critiques, il y a réellement des pays où les femmes —,et les petites filles- ne sont pas considérées comme des êtres à part entière et ne sont pas traitées également. Les deux islamistes qui rodent et distribuent de l'argent pour acheter une influence sur le village sont malheureusement bien réels.
Si le film peut paraître lourd, c'est peut-être parce que Radu Mihaileanu vise principalement un public arabe, le seul auprès de qui le film prendra tout son sens. 'Mon plan de diffusion, dit-il, c'est sous la burka, de mains en mains, de femmes en femme!'
C'est ce qu'on lui souhaite!
La source des femmes, un film de Radu Mihaileanu, avec Hafsia Herzi (La graine et le mulet), Sabrina Ouazani (L'esquive), la palestinienne Hiam Abbass, l'extraordinaire algérienne Biyouna et Leïla Bekhti (Tout ce qui brille et Un prophète).
Sortie en salles le 2 novembre 2011
Par
Ajouter un commentaire