Après Les Justes en 2010, Stanislas Nordey revient à la Colline avec 'Se trouver' (1932), pièce peu connue de Luigi Pirandello, inspirée par Marta Abba dont l'auteur fut passionnément amoureux. Emmanuelle Béart y tient le rôle-titre.
En dépit d'une direction d'acteurs qui peut parfois agacer, Stanislas Nordey livre une mise en scène fine, sur fond de décor des années 30, de cette réflexion sur la difficulté de concilier vie de femme et travail de comédienne. Emmanuelle Béart, dans son (presque) propre rôle, crève la scène.

Un texte
Dans Se trouver, avant d'être impressionné par un décor tout en hauteur, qui rappelle les films des années 30, musique comprise, on est saisi par la justesse d'un texte. La vision du comédien qu'offre Pirandello à travers ce portrait de femme perdue et combattive qui, au sens propre, « se cherche » et finit donc par « se trouver », est criant de réalisme.
Se donner, Se perdre, Se trouver

Donata Genzi, la comédienne interprétée par Emmanuelle Béart, est en pleine crise existentielle, incapable de découvrir vraiment qui elle derrière la multitude de rôles qu'elle endosse. Sa rencontre avec Ely, fougueux peintre assoiffé de liberté, va agir comme un détonateur. Mais cette relation dans laquelle la comédienne se jette, littéralement, à corps perdu, et se perd à nouveau, va finir par devenir plus tyrannique et oppressante que ce qu'elle cherchait à fuir. Le salut tant espéré n'interviendra, au dernier acte, que par un retour triomphal au théâtre. Le jeu de la comédienne, transcendé par ce qu'elle a vécu, atteint alors un véritable état de grâce.
Jeu figé
Si l'on a d'abord du mal à rentrer dans la pièce, surtout dans le premier acte, rendu pompeux par la diction des comédiens, leurs positionnements figés dans l'espace et leur acharnement à ne pas se regarder en parlant, on prend réellement plaisir au texte avec l'arrivée de Béart sur scène.
Par contraste (peut-être voulu), son jeu paraît bien plus naturel, son désir de liberté bien plus éclatant.

Le spectateur assiste à un changement de décor grandiloquent entre les deux premiers actes, mais plus ensuite, sans doute pour signifier le naufrage dans lequel Donata Genzi, finalement sauvé par Ely, manque de perdre la vie. Le vert, couleur maudite au théâtre, occupe une place importante. D'abord circonscrit à la tenue de Donata, il envahit tout l'espace scénique au dernier acte, n'épargnant alors que la comédienne. La malédiction est levée...
Un rôle sur mesure pour Béart
On retrouve avec plaisir Emmanuelle Béart sur les planches. Stanislas Nordey offre à la comédienne, qui avait déjà collaboré aux Justes, un rôle sur mesure. Parfaitement crédible en comédienne à la dérive qui se retrouve, l'actrice parvient à faire rapidement oublier la vedette et donner vie à un texte parfois un peu dogmatique.
La mise en scène de Nordey, assez originale, vaut également le détour, surtout que la pièce de Pirandello gagne à être connue.
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