Les Bandits de l’art à la Halle Saint Pierre, Paris

Des artistes exubérants en marge de la société

La Halle Saint Pierre présente à Paris Les bandits de l'Art, première exposition majeure d'artistes italiens. Des artistes hors normes, figures de l'art brut. Autodidactes et parfois fous, ces créateurs vivent en marge du monde. Une expo forte et poétique à ne pas manquer. Jusqu'au 6 janvier 2013.

L'Art brut , c'est le peintre Jean Dubuffet, qui a inventé cette expression pour désigner l'art né en dehors des circuits artistiques classiques. Premier collectionneur de ce type d'œ,uvres, Jean Dubuffet en appréciait la lumière et la joie exubérante qui, selon le peintre, faisaient écho aux forces brutes de la nature. Sa collection est aujourd'hui exposée à Lausanne, après le refus, dans les années 1960, du Conseil municipal de Paris d'accorder le statut « d'utilité publique » à un éventuel musée d'art brut dans la capitale

*>>Lire aussi Jean Dubuffet et l'art brut, un portrait dressé par Jacques Pimpaneau qui fut son secrétaire



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Depuis 1995, dans la merveilleuse Halle Saint Pierre Martine Lusardy, sa directrice, s'attache à faire connaître les artistes des marges. Seul «Centre culturel parisien de l'art brut et de l'art singulier», ce musée s'ouvre àune forme d'art mouvante et fascinante, encore méconnue.

« Caravane bigarrée de nomades exilés
», comme les décrit Gustavo Giocosa, le commissaire de l'exposition, les « Bandits » réunis à la Halle Saint Pierre sont armés seulement d'un pinceau pointu, d'une aiguille à broder, de marteaux ou de clous... ou de leurs mains pour sculpter la terre ou le ciment. Ils passent magistralement entre les mailles du filet de l'art classique et nous questionnent. Art gribouillis, art audacieux, un saut dans le vide.

Se cotoient de prodigieuses créations, des accumulations comme Le Nouveau Monde de Francesco Toris (1863-1918), un édifice fourmilière, constitué de longues aiguilles blanches taillées et sculptées dans des os. Il en va aussi d'assemblages singuliers à l'instar des animaux démantibulés, reliés par des bouts de tuyaux en plastique de Franco Bellucci

Francesco Toris Le Nouveau Monde-Musée de Turin


On traverse des histoires de vie brodées ou peintes, affrontements bruyants ou rêveries immobiles d'êtres silencieux, entre transparence et opacité.


L'enchantement des marges



La première partie de l'exposition présente des collections historiques psychiatriques et carcérales de la fin du XIXe siècle, venues entre autres du musée Cesare Lombroso , un criminologue et psychiatre, célèbre pour ses thèses sur le « criminel né ». Il s'intéresse dès 1866 aux œ,uvres des prisonniers et des malades mentaux, car pour lui, le génie créateur est une forme de dégénérescence mentale ou de psychose. Cette thèse influencera la critique réactionnaire, hostile aux avant-gardes.

Les visiteurs peuvent voir l'extraordinaire salle à manger de Giovanni Podestà (1895-1976), modeste ouvrier céramiste italien de la région des lacs du Nord de l'Italie, qui passera sa vie à fabriquer des objets en plâtre, ou en bois, bruts ou peints, comme sa belle croix.


Aujourd'hui ces « pauvres trophées », comme disait Lombroso, retrouvent toute leur force subversive et poétique. La révolte qu'ils expriment est un défi universel jeté au visage de la norme, de l'obligation identitaire ou culturelle univoque.

Vers la fin des années 1950, les ateliers de création se multiplient dans les hôpitaux psychiatriques à l'initiative d'artistes engagés. On retrouve au deuxième étage de la Halle Saint Pierre ces productions de contemporains visionnaires, de créateurs spontanés, compulsifs parfois, indépendants du système des Beaux-arts.

On y rencontre également quelques constructeurs poètes et mégalomanes, architectes de plein ciel, comme le fameux facteur Cheval. Maçons, ouvriers, ces « inspirés du bord des routes » ont transformé maisons et jardins en microcosmes de l'imaginaire, en recyclant tout et n'importe quoi.

Des photos permettent au public de découvrir ou revoir la Sphère de la paix d'Orpheo Bartolucci (31m de circonférence), posée à flanc de colline dans un petit village près de Pesaro , dans les Marches, les fresques poétiques que Bonaria Manca a peintes dans sa chambre...

Le jardin magique de Fiorenzo Pilia, en Sardaigne , peuplé de personnages géants. Guido Rancilio crée d'immenses sculptures hyperréalistes en ciment peint. Et on imagine la vie de Mario Beccherini, ermite moderne sculptant son extraordinaire grotte.

Cet art visionnaire se fait l'écho de la petite voix qui vient de l'intérieur, discrète, inquiète, et qui surgit avec l'énergie de l'herbe folle, directement du cœ,ur.

«L'art ne fait que des vers», disait André Chénier, «le cœ,ur seul est poète».



Informations pratiques



Les Bandits de l'art à la Halle Saint-Pierre
Jusqu'au 6 janvier 2013

Halle Saint-Pierre

-2, rue Ronsard —, 75018 Paris
-Tél : +33 (0)1 42 58 72 89
-Métro : Abbesses / Anvers

-Ouvert en semaine de 10h à 18h / Samedi : 10h - 19h / dimanche : 11h - 18h

-Expositions temporaires : 8 €, tarif réduit 6,50 €
www.hallesaintpierre.org

--Librairie : spécialisée dans les ouvrages d'art brut, singulier, outsider. --Catalogues du musée.
--Galerie : entrée libre, une exposition par mois.
--Auditorium : poésie, rencontres littéraires, spectacles, conférences, concerts, films...

--Animations et visites des expositions :
Visite commentée tous publics, de 10 à 30 personnes sur demande
au 01 42 58 72 89 ou info@hallesaintpierre.org

--Café —, Salon de thé



Par Élisabeth Schneiter

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