Au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris: Markus Lüpertz

Musicien de free jazz, poète, écrivain, concepteur de décors de théâtre, professeur, directeur de l’Académie Nationale des Beaux-Arts de Düsseldorf de 1988 à 2009. Il est  le « Prince des peintres » et  le Musée d’art moderne de la ville de Paris lui consacre sa première rétrospective en France.

Né en 1941 à Liberec, en Bohême (aujourd’hui République tchèque), Markus Lüpertz émigre en Allemagne en 1948. Il est de la même génération que Gerhard Richter et Georg Baselitz. Il se forme à l’Ecole des Arts Appliqués de Krefeld et à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. Dans un climat artistique d’après guerre qui n’a d’yeux que pour l’art américain qui commande et propose sur la scène artistique une veine expressionniste somme toute de tradition européenne aux côtés de son originalité pop art ; Markus Lüpertz s’engage dans l’art. En 1962, il s’installe à Berlin, un des pôles actuels de l’art contemporain, les plus actifs. On le classe parmi les peintres allemands « néo expressionniste ».

Andreas Mühe, Portrait de l’artiste dans son atelier, 2008 © Andreas Mühe © ADAGP, Paris 2015

Aux yeux du public, Markus Lüpertz alterne entre l’apparence élégante, Dandy et celle de l’artiste créateur en prise physique avec la matière.

Singulier ce parcours chronologique d'exposition, il remonte le temps, en commençant en 2014 et en s’achevant au début des années 1960.

© Galerie Michael Werner Cologne, Märkisch Wilmersdorf & New York/Lothar Schnepf © ADAGP, Paris 2015 Sans titre, 2013  © Galerie Michael Werner Cologne, Märkisch Wilmersdorf & New York/Jochen Littkemann, Berlin © ADAGP, Paris 2015

Markus Lüpertz utilise pour s’exprimer le « fragmentarisme » soit un assemblage de motifs, sans liens narratifs entre eux. Le nu au centre de cette composition nous rappelle que le nu masculin apparaît pour la première fois dans son œuvre au début des années 1980. Il s’intéresse aux principes du canon antique de la représentation idéale du corps humain. Il interroge la position de contrapposto, qui fait reposer le poids du corps sur une jambe et implique ce déhanchement éloquent (observable en bas à gauche de la composition du tableau, à travers une figure féminine). Progressivement, inspiré par la sculpture de Matisse, Lüpertz démantèle le corps en motifs, associés selon le principe du collage. L’artiste ne raconte rien, volontairement. Il poursuit l’image d’un rêve dont on ne se souviendrait qu’avec peine, avec des lacunes de mémoire et dont il ne resterait que des impressions fortes et visuelles, éparses. La lecture simultanément abstraite et figurative du tableau, à ce point, semble alors, servir au mieux ce but, s’il en est.

L’artiste incite visuellement, tout comme ses citations, à réfléchir, à ce que signifie développer une oeuvre, sur la durée.

Photo CB. Vue de l’exposition, 2015 Schwarzes Phantom, 1986.

Schwarzes Phantom, 1986 © Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam / Studio Tromp, Rotterdam © ADAGP, Paris 2015

« La peinture est-elle nécessaire ? Sans peinture, le monde est uniquement consommé et n’est pas perçu. » Markus Lüpertz

Kopf, 1981, Collection privée © Christie's Images / Bridgeman Images © ADAGP, Paris 2015 © ADAGP, Paris 2015

Il découvre la sculpture de Maillol en 1975 au jardin des Tuileries qui le pousse à faire de la sculpture à plus de 40 ans. Plusieurs de ses sculptures monumentales sont installées maintenant dans l’espace public, en particulier dans la Chancellerie Fédérale à Berlin. Une de ses sculptures mondialement connue est celle représentant, sous des traits quasi féminins, Mozart.

A la fin de l'exposition, Markus Lüpertz  peint le motif isolé, aussi ordinaire qu’une toile de tente. Au lieu d’utiliser la technique de peinture à l’huile, il adopte la détrempe qui lui permet de grands aplats de couleur afin selon lui d’ « imposer aux objets existants une construction ». Il en viendra à peindre des casques d'acier, des crânes d'animaux.

Zelt 40 - dithyrambisch, 1965 © Galerie Michael Werner Cologne, Märkisch Wilmersdorf & New York/Lothar Schnepf © ADAGP, Paris 2015

 Dès ses débuts, il appréhende ses images en termes de perspective et de volume…

« - Avec du volume ?  (P.D) - Oui, c’est du volume. Tout comme une pierre est une colline et une colline est une pierre. C’est dans ce contexte que j’ai développé la série « tentes » ; et je l’ai poursuivie jusqu’à ce que j’introduise les premiers objets clairement identifiables, comme les casques d’acier ou les nénuphars…(M.L) »     Conversation entre Markus Lüpertz et Peter Doig.

Après les années 1960, Markus Lüpertz s’est mis à dialoguer avec l’histoire (le nazisme, la guerre,…) , l’histoire de l’art (Mycène, Poussin, Goya,…) et la littérature (Parsifal, Ulysse, Achille… ), partant le plus souvent d’images déjà existantes ou de mythes, il nous oblige avec une élégance rare, à intégrer l'histoire  en l'actualisant sur un ton monumental et libre d'idéologie.

Conseil aux visiteurs : Revenir sur vos pas pour refaire le parcours à l’envers, c'est surprenant.

A savoir :
Le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris possède un corpus important de ses œuvres issu de la donation Michael Werner en 2012.            
Musée d’art moderne de la ville de Paris / Markus Lüpertz Rétrospective                  
17 avril- 9 juillet 2015                                                                                              
www.mam.paris.fr

Par Caroline Benzaria

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