Eloge de la lenteur

Une étude internationale d'Ipsos

Aujourd'hui, l'urgence est partout. Elle régit l'agenda politique, les stratégies financières, la gestion des entreprises comme la société du spectacle... La vitesse est-elle en train de devenir une valeur ?

L'étude sur les modes de vie et de consommation dans le monde menée en décembre 2007 par Ipsos Marketing, Global Life Stages, tente de décrypter le rapport des individus au temps. 8000 interviews ont été conduites dans 8 pays (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis, Japon et Chine) auprès d'un échantillon représentatif des populations nationales.

Fureur de vivre ou droit à la paresse ?

Premier enseignement : « prendre son temps » prime aujourd'hui sur « aller plus vite». Dans tous les pays étudiés, cette aspiration fait partie des valeurs fondamentales. Ainsi 85% des personnes interrogées reconnaissent « apprécier prendre leur temps ». Et 77%, jeunes comme moins jeunes, avouent avoir de plus en plus besoin de « se relaxer ». La sieste fait d'ailleurs partie des valeurs sûres aujourd'hui dans les grandes métropoles, de Paris à Tokyo, de Londres à Los Angeles. A New York, la « ville qui ne s'endort jamais », un nouveau concept de spa, Yelonap, commence à faire fureur... A Paris, Zenia propose des espaces dédiés à la sieste... De fait, l'enquête montre que l'amour de la vitesse est le fait d'une minorité : 39% des personnes interrogées.

Deux pays se distinguent de ce point de vue, probablement pour des raisons différentes : l'Allemagne où la vitesse fait partie des aspirations légitimes (cf. l'absence de limitation de vitesse sur la plupart des autoroutes) et la Chine, une société en plein mouvement, tirée par un taux de croissance économique supérieure à 10%. Dans ces deux pays, 47% des personnes interrogées disent aimer la vitesse, soit 10 points de plus en moyenne que dans les autres pays.
La fureur de vivre est avant tout une valeur jeune. 53% des 15-24 ans vs. 25% des plus de 60 ans avouent aimer la vitesse.

Dépassés ou nostalgiques ?

La préférence pour un rythme plus « normal », ne traduit pas pour autant le sentiment d'être « dépassé ». Seuls 38% se disent « dépassés » par un monde qui va trop vite. Un sentiment qui reste minoritaire quel que soit le pays. Le monde va vite, je veux pouvoir prendre mon temps, mais je ne me sens pas largué pour autant... Tel est, semble-t-il, le sentiment dominant. Point intéressant : les « dépassés » ne se recrutent pas nécessairement auprès des seuls seniors. On les retrouve au sein de toutes les classes d'âge.

C'était mieux avant

Un résultat frappant de l'enquête est la proportion importante (61%) de ceux qui pensent que la situation dans leur pays était meilleure dans le passé. Cela concerne presque tous les pays. Seule l'Espagne échappe à la règle, le souvenir du franquisme demeure un repoussoir pour la majorité. Les Britanniques et les Américains sont en pointe sur cette tendance. 67% aux Etats-Unis, 64% en Grande Bretagne contre seulement 40% en France s'avouent « nostalgiques ». Serait-ce le reflet de sociétés où tout va de plus en plus vite ? En tout cas, dans les kiosques londoniens, les rééditions brochées de vieux magazines des années 1970 et 1980 font florès. Le vintage a encore de beaux jours devant lui...
Une étude dirigée par Rémy Oudghiri, Directeur du département Tendances et Prospective d' Ipsos Marketing

Par Gisèle Prévost

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