Avoir vingt ans à Nanterre La Folie

Je dois beaucoup à Mai 1968

« J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. » J'en avais dix neuf et je lisais Aden Arabie dans ce train de banlieue qui me déposait, cet automne 1967, à Nanterre La Folie. « A quoi ressemblait notre monde ? » s'interrogeait Paul Nizan.
Pour moi qui arrivais de Lyon, il ressemblait à une gare glaciale et aux bidonvilles environnants. Je découvrais la Capitale, la solitude de l'étudiant, la liberté des chambres de bonne. Je m'étais inscrite en licence d'histoire à la faculté de Nanterre un peu par hasard. Je rêvais de devenir hôtesse de l'air pour faire le tour du monde. Mais j'avais fini par décrocher mon bac. Alors Histoire, pourquoi pas ? Le tour du monde attendrait. L'ambiance ici avait l'air tellement sympathique.

Très vite vinrent « les événements ». Les assemblées générales où l'on débattait de tout. Daniel Cohn-Bendit hurlait des professions de foi, belles et définitives, entouré d'un régiment de lieutenants et de groupies. Il était question de camarades qui dans le monde entier voulaient créer un monde meilleur. Je trouvais cela formidable , surtout les manifestations et leurs grandes poussées d'adrénaline collective. Nous ne savions pas que nous faisions l'histoire, nous voulions seulement changer le monde.


J'étudiais le Front populaire avec passion

J'avais une admiration toute particulière pour les « Mao » qui avaient osé passer à l'acte et sonner l'heure du partage des richesses en dévalisant Fauchon pour distribuer caviar et petits fours aux ouvriers de Billancourt. Encore plus pour ceux qui renonçaient à leurs études pour aller travailler à la chaîne à leurs côtés. J'étudiais le Front populaire avec passion.
Je pensais qu'à Paris c'était ainsi en permanence. J'adorais Paris. Je ne réalisais que plus tard le caractère exceptionnel de la situation. Il m'en est resté une passion pour la ville de tous les possibles. Et un idéalisme chevillé au corps.


Je dois beaucoup à Mai 1968

Je dois beaucoup à Mai 1968:
- mon premier amour. Rencontré en garant la 4L empruntée à ma mère avenue des Champs-Elysées. Il était Anglais, photographe et conduisait une Austin mini. Tout pour plaire. Je rêvais de Katmandou, nous partîmes jouer chabadabada à Deauville, puis faire des stocks de mini jupes chez Marie Quant à Londres. La révolution dans la joie !

- Mon premier travail. L'été 1968 fut le plus long du siècle, le temps de prendre mes quartiers d'été à Quiberon pour y tenir une boutique de maillots de bain et shetlands trop courts, le nombril se portait déjà à l'air. J'étais vendeuse et mannequin officielle de la boutique. Jamais je n'oublierai la tête du pharmacien de Quiberon à qui j'achetais ma première plaquette de pilules contraceptives. Je découvris la Bretagne, le quinaman et les boîtes de nuit. Le travail en dansant ! Comme à Cuba !


Mes études

- Avoir fait des études. Mon année universitaire 1967-68 à Nanterre ayant été terriblement rock'n roll, ou plutôt twist again, je n'aurais eu aucune chance de passer en 2e année, n'était l'indulgence des enseignants à la rentrée 1968. J'y pris goût et continuai encore 5 ans.
- Ma conscience politique. Je savais que désormais je ne serai jamais indifférente au monde et à ce qui le gouvernait. J'allais être majeure sous peu et mon premier bulletin de vote irait à Arlette Laguillier. J'ignorais que quarante ans après elle serait encore là. En Autriche, on aime la musique. En France, la politique, j'allais donc me passionner pour la politique et les soirées électorales garderont toujours pour moi la même saveur, épicée de l'espoir d'un monde meilleur. Je veux encore y croire.

« Quand j'étais jeune, on me disait : vous verrez quand vous aurez 50 ans. J'ai 50 ans, je n'ai rien vu », disait Erik Satie. Je n'ai pas vu le grand soir, mais je n'ai pas renoncé à espérer.
« L'ennui quand on vieillit c'est que l'on reste jeune ! », écrivait Colette.

La suite du dossier:
- Le regard des moins de 40 ans sur Mai 68, un sondage Ifop pour Ouest France
- Témoignages des enfants de mai 68, 3 jeunes femmes racontent ce que mai 68 représente pour elles.
- « Témoignage sur Mai 68 - Et bilan sur son héritage » par Jean-Yves Jezequel, psychanalyste
- Quelques réflexions d'une soixante-huitarde de vingt ans de Lyne Cohen-Solal, conseillère municipale, adjointe au maire de Paris
- Les témoignages 40 ans après, de ceux et celles qui ont vécu cette période
- 1968, en quelques chiffres

Par Gisèle Prévost

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