Avec son premier roman, 'Un beau jour de printemps', Yiyun Li signe une œ,uvre puissante au style lancinant, hypnotique, qui restitue de manière crue et réaliste la terreur ordinaire dans la Chine postmaoïste. Rencontre avec un des nouveaux talents de la scène littéraire internationale.

Yiyun Li, une belle rencontre de printemps
Texte : V. Cardi
Yiyun Li est née et a grandi à Pékin avant de s'installer aux États-Unis en 1996 pour ses études de médecine. Diplômée en immunologie, elle décide de se consacrer à l'écriture après la publication de son recueil de nouvelles, A Thousand Years of Good Prayers, à paraître prochainement chez Belfond, qui lui vaut d'être désignée par le très prestigieux magazine Granta comme un des meilleurs jeunes auteurs actuels aux côtés de Jonathan Safran Foer ou de Gary Shteyngart notamment, et de recevoir une pluie de récompenses : le Frank O'Connor International Short Story Award, le Guardian First Book Award, le Hemingway Foundation/PEN Award et le Whiting Writer's Award.
Yiyun Li vit à Oakland avec son mari et leurs deux fils.
Entretien
Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir écrivain ?
J'ai toujours été très curieuse et j'adore les ragots, c'est peut-être ce qui m'a poussé à raconter des histoires moi-même. Et comme je suis d'une nature très discrète, je satisfais plus facilement ma curiosité en inventant une histoire plutôt qu'en parlant aux gens pour découvrir leur histoire.
Comment commencez-vous à écrire une histoire ? Vous inspirez-vous de personnages de la vie réelle ?
Je pars davantage de situations de la vie réelle que de personnages. Les gens sont fascinants et mystérieux, mais dans la vraie vie, ils ne donnent pas de réponses ou d'explications à l'écrivain, alors que leurs situations, elles, sont toujours déjà données. Je commence une histoire en m'inspirant d'une situation de la vie réelle qui me fascine, mais les personnages, je dois les inventer.
Ecrire en anglais est-il plus naturel pour vous ?
Oui, beaucoup plus naturel. J'étais un terriblement mauvais écrivain dans ma langue maternelle, je ne pense pas écrire d'ouvrage en chinois, je n'en ai pas envie.
Avez-vous fait beaucoup de recherches pour ce roman ?
Mes recherches m'ont surtout aidée à créer la ville du roman. Je l'ai modelée d'après le village de mon mari, qui a une très bonne mémoire des lieux. Il m'a fait une grande carte détaillée, avec un supermarché, une boucherie, etc. J'y ai ensuite inscrit mes personnages. Quand j'ai pu regarder son village sur Google Earth, j'ai été bluffée de voir à quel point tout était similaire.
Votre roman se passe dans les années 70. Avez-vous cherché à vous souvenir de détails de votre enfance ou avez-vous consulté des photos ?
C'est une très bonne question. Je me suis rendue compte en fait que nous réactivons nos souvenirs en lisant. Par exemple une scène dans le premier roman de Manil Suri, La Mort de Vishnou, où une femme se teint les cheveux avec une vieille brosse à dents m'a rappelé la façon dont ma mère se teignait les cheveux, alors que je l'avais oublié.
C'est jubilatoire de lire une phrase d'un roman qui ressuscite un de vos souvenirs.
Pour ce roman, j'ai aussi regardé des photos de l'époque et j'ai retrouvé notamment une très belle photo du New York Times avec trois jeunes hommes portant des lunettes de soleil. Après avoir été bannies de la Chine communiste pendant environ trente ans, les lunettes de soleil ont été réintroduites à la fin des années 70. J'ai fait de ces jeunes hommes des personnages secondaires de mon roman.
Certains vous qualifient d'anti-chinois. Comment réagissez-vous ?
J'étais d'abord attristée d'être confrontée à ce genre de sentiments. Mais ces réactions ne me dérangent plus à présent. Quand vous ne faites pas de vos compatriotes des héros, les gens pensent que vous réglez vos comptes. C'est la même chose pour les écrivains afro-américains, indiens, bengalis, et pour tous ceux qui ne sont pas des auteurs masculins blancs, j'imagine. J'ai grandi dans une culture pétrie d'héros et d'héroïsme. Mais je n'écris pas pour faire de mes personnages des héros.
Extraits de www.kartikareview.com et de therumpus.net
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