Exposition BNU : Orages de papier

1914-1918

La Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg présente l'exposition « Orages de papier ». Grâce aux collections de quatre bibliothèques, l'exposition retrace le déluge médiatique que la Grande guerre a suscité.
Exposition jusqu'au 31 janvier 2009.

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La première ligne


Le cadre et le propos de l'exposition seront marqués par la nature même des documents. Il ne s'agit pas d'une exposition générale sur la Première Guerre mondiale, mais sur le déluge médiatique que celle-ci a suscité. La Première Guerre mondiale est en effet la première guerre médiatique au sens moderne du terme : journaux, affiches, photographies, cinéma (employé pour la première fois au coeur d'un conflit) témoignent du lien que les médias entretiennent, que ce soit entre le front et l'arrière (photographie, cinéma), au sein du front (journaux de tranchées) ou du corps social (affiches destinées par exemple à stimuler les emprunts de guerre).

Ces nouveaux médias suscitent aussi l'action (comme les tracts largués en masse depuis les avions dans le camp ennemi pour le démoraliser) et sont donc à ce titre partie prenante du conflit. Les Allemands ont eu ainsi le sentiment d'avoir été vaincus non par les armes, mais par ce que l'on n'appelait pas encore les médias : dès la fin de la guerre, on a développé outre-Rhin le concept du « feu roulant de papier » (le « papiernes Trommelfeuer ») qu'aurait constitué la propagande ennemie.

(1) les quatre bibliothèques
--Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg (initiatrice du projet)
--Bibliothèque nationale de France (Paris)
--Bibliothek für Zeitgeschichte / Württembergische Landesbibliothek (Stuttgart -
Allemagne)
--Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (Paris-Nanterre)


Parcours de l'exposition

Après une introduction sur les établissements qui ont participé à Orages de papier, l'exposition est structurée en quatre :
- les nouveaux médias au cœ,ur de la société
- les média du front
- L'imagerie de la guerre : les formes nouvelles
- L'imagerie de la guerre : formes anciennes revisitées

1 - DE NOUVEAUX MEDIAS AU COEUR DE LA SOCIETE

L'information en temps de guerre : avis et placards

Affiche de propagande allemande réalisé par Egon Tschirch (1918)

-Les avis et placards constituent, avec les livres, les documents les plus représentés dans les collections de guerre. Ce sont des écrits qui sont affichés pour informer le public d'ordres, de réglementations ou bien d'avis émanant le plus souvent de l'administration civile ou militaire. Ils se distinguent des affiches par l'absence quasi-systématique de motif illustré, leur apparence sobre et leur aspect uniforme. Couvrant une grande diversité de contenu et traitant de tous les aspects de la vie quotidienne, les avis et placards constituent une sorte de « journal de bord » d'une société en guerre.

La guerre des affiches
-Avec la Grande Guerre, l'Ếtat se mêle pour la première fois de la production en masse d'affiches illustrées. La publicité pour les emprunts représente une part essentielle des affiches de guerre, dont certaines atteignent, en France, des tirages de 200 000 exemplaires (quand le tirage moyen des affiches publicitaires avant la guerre n'excède pas 5.000 exemplaires). Les auteurs d'affiches françaises sont avant tout des dessinateurs de presse, tandis qu'en Allemagne, graphistes et artistes de renom sont sollicités. Face à la lassitude de la population, les affiches servent également à atténuer la fracture entre les soldats et l'arrière. Outre les emprunts, des quêtes, ventes, tombolas de charité, firent également l'objet de campagnes d'affichage. L'exposition présentera une sélection de 14 affiches (sept allemandes, sept françaises).

Tracts et propagande
-Les tracts furent l'outil par excellence d'une propagande de masse, qui a bénéficié des nouvelles techniques de l'imprimerie, du développement de l'aviation, ainsi que d'une prise en main de la propagande par le ministère de la Guerre français. La création, en 1915, à Paris, du Service de la propagande aérienne, dédié à la conception, à la réalisation et au transport des tracts vers le front, service rattaché, en 1918, au Commissariat général de l'information et de la propagande nouvellement créé, va permettre d'inonder les lignes adverses de tracts visant à démoraliser les soldats allemands. Ces tracts témoignent d'une grande diversité d'auteurs, de buts et de discours.
-Ce déferlement atteindra son apogée entre septembre et octobre 1918. Les autorités allemandes ont vainement commencé par interdire aux soldats de les lire, avant de leur offrir une prime contre toute remise de tracts ennemis, mesure qui fut d'une efficacité douteuse. Les efforts de contre-propagande et de remobilisation s'avérèrent impuissants, et les autorités allemandes eurent tendance à attribuer -exagérément- la défaite à la déloyale et mesquine propagande adverse. L'exposition tient à rendre compte de la diversité des moyens mis en oeuvre par la propagande, aussi bien du côté français que du côté allemand.

2 - LES MEDIAS DU FRONT

Le journal des tranchées Die Sappe (1918)

Journaux de tranchées
-La presse du front fut un phénomène caractéristique de la guerre de 1914-1918 : pour la première fois, des journaux furent publiés par des soldats, pour les soldats, sur le front même. On recense 470 titres côté français, publiés pour plus de la moitié en première ligne, avec l'aval des autorités, rédigés et imprimés avec des moyens de fortune et ayant pour fin première d'entretenir le moral des troupes par la distraction, le jeu, le rire, la dérision, la poésie et le dessin. Côté allemand, on recense quelque 110 journaux, dont 22 journaux de tranchées au sens strict (les « Schützengrabenzeitungen »), qui furent jusqu'en 1916 l'espace d'expression de la parole des soldats. A l'opposé, les « Armeezeitungen », fondés à l'initiative des autorités et soutenus par des moyens matériels très importants, s'évertuèrent à diffuser un discours de propagande et d'édification, alors que la lassitude avait déjà gagné les rangs...

Journaux intimes et lettres du front
-Si l'ensemble des médias, journaux de tranchées compris, qui sont encouragés, contrôlés et soutenus par les autorités militaires pour attester du moral des troupes, concourent à la formation de grands mensonges nationaux, les lettres de soldats ne contredisent guère le discours officiel. Ecrites le plus souvent pour rassurer les proches, elles les tiennent éloignés des atrocités de la guerre, par gêne et, parfois, par peur de la censure. Le propos est tout autre dans les journaux intimes et carnets de route tenus par les combattants ou les civils, qui ne sont adressés qu'à eux-mêmes : ici la barbarie et la réalité de la guerre s'étalent sans réserve. Correspondances, journaux intimes, carnets de croquis : l'exposition montrera une quinzaine de pièces représentatives de ces pratiques d'écriture individuelle
et privée pendant la Grande Guerre.

3 - IMAGERIE DE LA GUERRE : LES FORMES NOUVELLES
Cartes postales

'Chère patrie, ne t'inquiète pas!'

-Les cartes postales étaient déjà, dans l'Allemagne de 1914, un moyen de communication très populaire. Les premières cartes liées à la Grande Guerre apparurent sur le marché deux jours à peine après le début du conflit. Le nombre de courriers acheminés pendant la guerre par la poste militaire est estimé à plus de 28 milliards, dont 20% de cartes postales. Le nombre de sujets représentés est estimé à 50 000. La plupart des cartes postales militaires ont circulé de l'arrière vers le front, ce qui en fit un des moyens de propagande les plus répandus. Les cartes dessinées à thèmes comiques ou satiriques, ou présentant des scènes de combats, cédèrent la place, au fur et à mesure que la guerre s'enlisait, à des cartes illustrées empreintes de réalisme : photos d'armes, de destructions, de cimetières ou d'hôpitaux de campagne.

Photographies (photos isolées et albums)

Soldat faisant la soupe

-Les agences photographiques parisiennes furent les premières à couvrir le début du conflit et leurs clichés, relayés par la presse, eurent un impact considérable sur les esprits. A côté de cela, de nombreux amateurs enthousiastes ont fixé sur la pellicule les premières journées de mobilisation. Il est impossible d'estimer le nombre d'images réalisées. En 1915, le gouvernement français créa la Section photographique de l'armée (SPA) dans le but de révéler avec un maximum de précision les différentes phases du conflit, et de contrôler l'activité photographique. Cette centralisation de la propagande n'intervint que plus tard en Allemagne, en 1917, avec la création du Bild- und Filmamt (BUFA, Agence de régulation de la cinématographie et de la photographie). Les images, qui sont instrumentalisées, doivent être envoyées aux services de censure et les photographes doivent obtenir des autorisations pour s'approcher du front. C'est au cours de la Grande Guerre que la photographie devient un formidable outil de propagande visant à rassurer, stimuler, ou objectiver un point de vue nationaliste. Il n'existe cependant pas d'images directes des combats. Les photographies montrent une guerre propre, aux images policées, ou seul le regard perdu d'un soldat peut trahir la violence passée du combat...

Cinéma
-Dès le début de la guerre, l'Allemagne élabora un dispositif de propagande par le cinéma, avant la France, qui disposait pourtant d'une puissante industrie cinématographique. Soeur jumelle de la SPA, la Section cinématographique des armées (SCA) vit le jour en France en 1915. La SCA dispose d'opérateurs mobilisés et assure la projection publique et régulière de ses films dans les salles de cinéma. Parallèlement, les firmes du secteur produisirent des fictions à sujets patriotiques. Les sujets abordés sont multiples avec, côté français, l'Alsace, la vaillance des poilus, les drames familiaux, les faits d'armes, la haine du « boche ». La production française s'essoufflera dès la fin de 1916, avant de reprendre au début de l'année 1918, avec des films présentant une analyse plus subtile des causes et des effets de la guerre. C'est le cas de L'Âge du métal d'Henry Roussell ou des Trois familles, d'Alexandre Devarennes. L'Allemagne prit très au sérieux la menace constituée par la propagande cinématographique française et lança en 1917 la puissante UFA (Universum Film-Aktiengesellschaft), conçue comme une arme de guerre et qui contribua, une fois revenue la paix, à l'essor du cinéma allemand...

4 - IMAGERIE DE LA GUERRE : FORMES ANCIENNES
REVISITEES


Les peintres et la guerre.
-L'exposition présentera des œ,uvres liées à la guerre et fera ressortir le contraste entre celles réalisées à l'arrière, qui l'idéalisent et exacerbent le sentiment patriotique, et celles d'artistes ayant eu une expérience directe du front et qui en sont sortis bouleversés. Citons parmi les artistes exposés Raoul Dufy, Pierre Bonnard, Alphonse Grebel, Henri Gervex, Félix Vallotton, Edouard Vuillard, Paul-
Emile Colin, Jean-Louis Forain...

Vivatbänder
-Les rubans patriotiques, ou « Vivatbänder » en allemand, constituent une curiosité parmi les objets commémoratifs de la Première Guerre mondiale. La tradition des rubans commémoratifs remonte en Allemagne à l'époque d'avant la Réforme. Elle fut remise au goût du jour pendant la Première Guerre mondiale, où on ne produisit plus les fameux rubans qu'à l'occasion de victoires militaires. Ce sont des rubans en soie mélangée, sur laquelle est imprimé le mot « Vivat », suivi de la mention de l'occasion et de la date, d'une image représentant le chef militaire victorieux et d'une brève citation littéraire. La partie de texte se termine par une référence à l'oeuvre de bienfaisance à laquelle est destinée la vente de ces rubans et à la maison d'édition qui les produit. Leur grande taille les rendait difficiles à porter, et les rubans de la Première Guerre mondiale sont surtout des objets de collection vendus au profit d'oeuvres de bienfaisance. Très peu de nouveaux modèles virent le jour après 1917, à cause du découragement et de la pénurie de matières premières. Ces rubans étaient alors -et sont toujours- des objets très prisés des collectionneurs.

Musique et chansons
-Aux milliers de titres en lien avec le conflit et publiés sous forme de partitions peu onéreuses et de très grande diffusion se joignit la toute neuve industrie du disque. La Grande Guerre fut ainsi la première guerre médiatisée par le disque. La chanson française, puisant ses racines dans le ressentiment et la haine des « boches » devint la forme artistique la plus étroitement associée à ce conflit. Elle épousa tous les états d'esprit successifs, de l'enthousiasme va-t-en-guerre à l'allégresse de la victoire, en passant par la désillusion et le désespoir d'une guerre qui s'éternise. L'exposition présentera les enregistrements de douze des plus grands standards de l'époque.

Médailles

Médaille française de René Lalique (1915)

-L'art de la médaille a naturellement trouvé un terreau fertile dans la Première Guerre Mondiale.
-Outre les traditionnels portraits de chefs de guerre et de personnalités politiques, ces médailles décrivent aussi la vie des combattants ou la mobilisation des civils, à l'arrière, et puisent -parfois à outrance- dans la mythologie ou la religion la source d'allégories. Les médailleurs, qu'ils soient français ou allemands, firent preuve d'une extraordinaire habileté pour dépasser les contraintes du support, ainsi que d'une grande originalité en termes de sujet, de composition et d'exécution.


Conférences

Vendredi 5 décembre // 18h
-Une guerre de défense ? La propagande allemande par l'image. Par Gerd Krumeich, professeur à l'Université Heinrich-Heine de Düsseldorf.

Samedi 13 décembre // 18hLa plume et le fusil : écrire la Grande
-Guerre (France-Allemagne), par Nicolas Beaupré,
Maître de conférence à l'Université Clermont-Ferrand II.


--Juqu'au 31 janvier 2009
--Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
-Salle d'exposition
-6, place de la République

--Horaires d'ouverture
-Lundi : 14h - 18h
-Mardi-samedi : 10h - 18h
-Fermé le dimanch



Par Floria-Rose David

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