Le ciel attendra, le film d'octobre

Pour son quatrième film, la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar (Bowling, Les héritiers) s’attaque au brûlant sujet de la radicalisation des jeunes filles et de leur difficulté à en sortir. Un film très documenté, très réaliste, bref indispensable.

Des jeunes filles sans histoire

Comment Daech séduit-il les jeunes filles et parvient-il à les attirer en Syrie à distance ? Et une fois happées, radicalisées, peuvent-elles s'arracher à ses griffes et reprendre une vie normale? 

Naomi Amarger est Mélanie - Le ciel attendra - toutpourlesfemmes

Marie-Castille Mention-Schaar suit le parcours de deux adolescentes charmantes et banales, issues de la classe moyenne française, deux bonnes élèves sans problèmes. L'une, Sonia, rate son départ en Syrie mais ne songe plus qu'à Daech et à son idéologie menaçante. Ses parents découvrent la gravité de sa radicalisation quand, à 5h du matin, la police débarque pour l'arrêter : elle est soupçonnée de préparer un attentat.

Mélanie en prière - Le ciel attendra - toutpourlesfemmes

L'autre, Mélanie, est encore innocente quand on nous la présente. A priori, rien ne la pousse à devenir djihadiste mais une succession d'événements apparemment anodins et sans lien avec Daech vont la convaincre de se convertir et de rejoindre le rang des combattants. 

Des parents démunis

Pour mieux expliquer leurs évolutions à l'une et à l'autre, on les suit dans leur quotidien, au lycée et au sein de leurs familles. D'ailleurs, leurs parents participent tous aux réunions de déradicalisation de Dounia Bouzar, une spécialiste du sujet et dont le livre Ils cherchent le paradis, ils ont trouvé l’enfer a aussi inspiré le film.

Sandrine Bonnaire, Noémie Merlant et Clotilde Courau - Le ciel attendra - toutpourlesfemmes

En assistant à ces sessions collectives de parents complètement démunis face à l'embrigadement soudain de leurs enfants, on comprend mieux leurs comportements, ce qui les séduit, ce qui les entrave dans leur chemin vers la libéralisation. Car, la prégnance idéologique islamiste est brutale et tellement puissante qu'elles sont incapables de penser par elles-mêmes. Elles semblent comme lobotomisées, prêtes à tout et surtout à être obéissantes.

Une enquête de terrain et de longue haleine

C'est en tombant sur le témoignage du frère d'une victime de Daech que Marie-Castille Mention-Schaar s'est intéressée au sujet. Aux filles en particulier dont les motivations sont différentes de celles des garçons. Très vite, elle rencontre Doubia Bouzar et décide de la suivre au jour le jour.

Noémie Merlant (Sonia) et Sandrine Bonnaire (sa mère) - Le ciel attendra - toutpourlesfemmes

A partir des nombreux témoignages qu'elle recueille alors, de rencontres et de vidéos de propagande, la réalisatrice construit son récit. Le film, bien qu'il soit une vraie fiction portée par des acteurs comme Sandrine Bonnaire ou Clotilde Courau, a valeur documentaire. Les personnages de Sonia et de Mélanie croisent le portrait de plusieurs vraies jeunes filles, rendues méconnaissables pour qu'elles ne soient pas inquiétées. 

Clotilde Courau (mère de Mélanie)- Le ciel attendra - toutpourlesfemmes

Si cela avait été possible, Marie-Castille Mention-Schaar en aurait volontiers fait un documentaire. Mais comment filmer la transformation d'une jeune fille qui dissimule le moindre geste à sa famille? Comment tomber pile au moment où elle est harponnée par son recruteur ? 

Un retour est-il possible ? 

De cet impossible, Marie-Castille Mention-Schaar a fait une force indéniable. Si la radicalisation de Mélanie, la dissimulation de son engagement sont parfaitement montrées, on comprend moins bien comment Sonia parvient à se dégager de l'idéologie dangereuse et morbide qui la rendait tellement inaccessible et irrationnelle un peu plus tôt.

Sandrine Bonnaire et Noémie Merlant, mère et fille - Le ciel attendra - toutpourlesfemmes

Peut-être parce que comme il est dit dans le film, si la radicalisation ne prend que quelques mois, la déradicalisation peut nécessiter une plusieurs années, avec de nombreux risqués de rechute. 
Malgré cela, Marie-Castille Mention-Schaar signe un film pédagogique nécessaire, indispensable même. Qui cherche à comprendre, à expliquer, jamais juger. Salutaire, même.

De Marie-Castille Mention-Schaar, avec Sandrine Bonnaire, Clotilde Courau, Dounia Bouzar, Zinedine Soualem, Noémie Merlant, Noami Amarger...

Véronique Le Bris

©Guy Ferrandis

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