Le MET à New York

Première Etape : de la préhistoire à l'art contemporain

Le MET à New York, Metropolitan Museum of Arts est avec le British Museum à Londres, le Louvre à Paris, l'Ermitage à Saint Petersbourg, l'un des quatre plus grands musées du monde. Ses collections comptent plus de 3 millions d'objets, de la préhistoire à nos jours, issus des cultures des cinq continents. Avec Serge Legat, conférencier au Club de l'Art à Paris nous pousuivons notre exploration du monde de la culture à New York.
Deux articles sont consacrés au MET. Première étape : les grandes sections de cet immense musée qui comporte 20 départements...et qui est une fondation privée.

Le MET, une architecture néo classique

Le Metropolitan Museum of Art. Ce très grand musée se situe à l'est de Central Park, dans ce que l'on appelle le « Museum Mile », c'est-à-dire un quartier très riche en musées, en galeries d'art, un lieu de prédilection pour la vie culturelle à New York.

L'histoire du bâtiment

L'histoire du musée commence en 1870 avec la fondation de l'Union League Club qui réunit artistes et mécènes dans le but de créer un musée capable de rivaliser avec les grands musées européens.

Le premier bâtiment, construit en 1880 dans un style néogothique, est ensuite agrandi et restructuré mais c'est une grande campagne de travaux réalisés entre 1895 et 1902 qui lui donne son aspect actuel, dans un esprit tout à fait néoclassique. Les architectes en sont Richard MORRIS HUNT et son fils Richard HOWLAND HUNT.

En façade, de grandes colonnes corinthiennes doubles délimitent trois arcades qui forment l'entrée solennelle du musée. Au-dessus des colonnes, on est surpris par la présence de lourds blocs de pierre. Ils étaient destinés à la réalisation de statues qui n'ont jamais vu le jour. A partir de 1906, on ajoute à ce bâtiment deux ailes latérales. Par la suite il y aura d'autres extensions, surtout depuis 1965.

Ainsi, le Metropolitan Museum of Art devient non seulement le plus grand musée d'art des Etats-Unis, mais aussi un des quatre plus grands musées du monde avec le British Museum, le Louvre et le musée de l'Ermitage. Il occupe une surface de 45ha, compte entre 3 millions et 3,5 millions d'objets et 20 départements de la préhistoire à l'art contemporain. Le musée possède également une extension : le musée des Cloisters qui réunit la plus grande partie des collections du moyen-âge.

Art africain, océanien et précolombien

Ces collections sont installées dans l'aile Michael C. ROCKEFELLER, du nom d'un amateur passionné de ces cultures a disparu en 1961 lors d'une expédition dans la forêt vierge de Nouvelle Guinée. Son père, Nelson ROCKEFELLER, donna de grosses sommes d'argent au musée pour que soient aménagées, dès 1962, les collections qui fascinaient son fils dans une aile à sa mémoire.

Le point de départ de cette magnifique collection sont les objets d'art des Asmat, qu'affectionnait particulièrement M. C. ROCKEFELLER et auxquels on a ajouté les collections africaines et précolombiennes. L'aménagement somptueux n'a cessé d'être amélioré et son état actuel date de 1982.

Art égyptien

Ce département occupe l'aile SACKLER qui est aussi un agrandissement récent du musée (1978). Voici le « clou » de ce département, la reconstitution du temple de Dendur, temple datant de la première période romaine (15 av. JC). Ce temple est dédié à la déesse Isis et à deux fils déifiés d'un chef nubien. C'est l'empereur Auguste qui en avait demandé la construction. Lors de la mise en service du barrage d'Assouan, ce temple, situé dans les terres vouées à l'inondation, fut donné aux Etats-Unis en remerciement de la part qu'ils avaient pris à la sauvegarde des temples de Nubie.

La collection égyptienne est un temps fort du musée , elle est considérée comme une des plus belles au monde et se compose d'environ 36 000 objets (plus que le Louvre) qui sont en grande partie le fruit des fouilles que le musée a menées lui-même en Egypte de 1906 à 1936 puis à partir de 1986. Parmi les objets les plus intéressants :

- une représentation du pharaon Amenhotep III, grand bâtisseur et grand mécène (18ème dynastie - Nouvel Empire - 1391/1353 av. JC) en quartzite. C'est la période préférée des spécialistes américains, celle où les artistes égyptiens aiment à représenter la beauté et la jeunesse éternelles.

- fragment de tête de reine (18ème dynastie - 1349/1342 av. JC) en jaspe jaune. Ce petit fragment (il ne reste pratiquement que la bouche) est d'une délicatesse et d'une force exceptionnelles. C'est un art très sensuel, caractéristique de cette période du culte d'Aton. On ne connaît pas l'identité de la reine représentée (Néfertiti ?).

Art du Proche-Orient et du Moyen-Orient

La collection est également intéressante. A titre d'exemple, voici une tête de dignitaire (2000 ans av. JC), venant d'Iran, qui est exceptionnelle non par son matériau, elle est en cuivre creux, mais par son aspect très réaliste, véritablement éloigné des visages stéréotypés et symboliques de cet art du Moyen-Orient.

Art grec et romain

Comme dans tout grand musée, la collection est riche et intéressante. Ce vase cratère à figures rouges (515 av. JC) illustre la richesse des collections grecques. C'est une terre cuite athénienne dont on connaît à la fois le peintre : EUPHRONIOS (le plus célèbre) et le potier : EUXITHEOS. Le sujet est un épisode de la guerre de Troie : sous le regard d'Hermès, deux personnages (la Mort et le Sommeil) portent le corps de Sarpédon, tué par Patrocle, pour aller l'ensevelir en Lycie, son pays natal.

Dans une mise en scène typiquement américaine et pour donner un exemple de la beauté de la collection romaine, voici le Cubiculum de Boscoréale, reconstitution d'une chambre à coucher d'une villa de Boscoréale qui fut, comme Pompéi, engloutie sous les cendres du Vésuve.

Le décor des murs est authentique, la mosaïque au sol est de la même époque ainsi que les meubles. C'est donc une recréation comme les aiment les conservateurs américains. Un détail du mur droit nous montre une peinture dans l'esprit de celles de Pompéi. C'est une scène religieuse, on y reconnaît la déesse Hécate. Les architectures en perspective sont remarquables et nous enseignent que les romains connaissaient déjà les règles de la perspective qui seront redécouvertes à la Renaissance. C'est une acquisition de 1903 qui fait partie du fonds ROGERS.

Art islamique

Dans le même esprit que précédemment, cette salle de réception du palais Nur al Din de Damas (1707), est une recréation. Cette salle de réception était réservée aux hommes , en contrebas se trouve une fontaine où ils devaient laisser leurs chaussures avant d'entrer. Des coussins ont été rajoutés pour recréer l'atmosphère. Les inscriptions tout autour de la pièce sont des textes de poésie qui exaltent le bonheur et l'abondance que l'on souhaite au propriétaire.
Ce département est un des plus riches du monde. Le premier lot important de ces collections islamiques arrive dès 1891, c'est le legs Edward C. MOORE.

Art de l'Extrême Orient

Le jardin Astor (la famille ASTOR compta de grands mécènes) est la recréation d'un jardin chinois. Il a été financé par Mme BROOKE RUSSELL ASTOR qui avait passé son enfance à Pékin. En 1979, elle fait venir 27 artisans chinois pour aménager ce jardin de style Ming. Il est terminé en 1981. C'est le premier échange culturel entre les USA et la Chine populaire. Comme tous ces jardins chinois, c'est un lieu de contemplation, de méditation et, au sein du musée, c'est aussi une respiration, un lieu qui permet au visiteur de se reposer.

Décors du XVIIIème siècle

Boiseries de l'hôtel de Cabris

Cette salle de tapisserie (1763) est un décor à la fois français et anglais. En effet, ces tapisseries ont été réalisées pour la demeure en Angleterre de George WILLIAM, sixième comte de COVENTRY.

L'architecte est également anglais, Robert ADAM, mais les tapisseries sont des Gobelins d'après des cartons de BOUCHER. Robert ADAM réalisera ainsi cinq salons de tapisseries pour des demeures anglaises.

Autre décor du XVIIIème siècle, cette fois purement français, cette pièce de l'hôtel de Cabris à Grasse (1775/78), entièrement remontée ici, au Metropolitan Museum. Le marquis de Cabris avait fait travailler un architecte milanais, Giovanni ORELLO pour la construction de son hôtel. Les boiseries ont été fabriquées à Paris dans un style Louis XVI. Il ne manque dans ce décor reconstitué que les peintures à l'intérieur des trumeaux et des dessus de porte. Ces éléments étaient déjà manquants à l'hôtel de Cabris. Deux très jolies chaises contemporaines en noyer doré ont été rajoutées à ce décor. Elles sont du grand ébéniste Georges JACOB et ont décoré le boudoir de Marie-Antoinette aux Tuileries.

Département des objets d'art

Commençons par le XVIIIème siècle avec cette très belle pendule de cheminée (1785/90), don de la famille PIERPONT MORGAN en 1917. Elle est l'œ,uvre du sculpteur Augustin PAJOU (1730-1809) qui a travaillé pour l'opéra de Versailles. C'est une réplique réalisée par PAJOU, lui-même , l'original avait été réalisé pour le Prince de Condé et comportait un ou deux personnages de plus. Elle a connu un énorme succès à l'époque. Le sujet est le triomphe de l'Amour sur le Temps. Le mouvement de l'horloge est dû au grand atelier de l'époque, l'atelier LEPAUTE.

En remontant dans le temps, voici d'autres meubles et objets d'art. D'abord ce magnifique bureau brisé (1685) qui provient du bureau de Louis XIV à Versailles. C'est l'œ,uvre de l'ébéniste Alexandre Jean OPPENORDT. Il utilise de l'écaille de tortue. Le merveilleux décor symbolique à la gloire de Louis XIV est de la main du plus grand ornemaniste de l'époque, Jean BERAIN.

Studiolo du Palais Ducal à Gubbio

Enfin nous voici en pleine renaissance italienne, dans le studiolo du palais de Gubbio (1476/80), entièrement reconstitué. C'est un décor de boiseries suivant la technique de l' Intarsia avec une extraordinaire variété d'essences de bois : noyer, hêtre, bois de rose, chêne et bois fruitiers. Le studiolo est un lieu de travail et de réflexion. Le décor en trompe l'œ,il est en harmonie : placards ouverts montrant des livres.

L'aile américaine

Elle se constitue vers 1924 mais l'aménagement actuel date de 1980. C'est la plus belle collection au monde d'art américain. Elle se compose de décors, d'objets d'art et de peintures. La collection de peintures s'est beaucoup enrichie récemment car c'est un souci des conservateurs d'étoffer une collection qu'ils jugeaient un peu faible.

Voici un superbe vitrail, paysage d'automne (1923) réalisé par Louis TIFFANY (1848-1933). C'est la très grande époque de la maison TIFFANY, celle de l'Art Nouveau.

Salle Verplank : un appartement de Wall Street, XVIIIe siècle

La salle Verplanck (1767) est la reconstitution d'un intérieur du XVIIIème siècle d'une maison de Wall Street. Ainsi qu'il est d'usage dans ces period rooms tout le mobilier est d'époque mais ne vient pas de la maison Verplanck , c'est une version américaine du style Chippendale.

Les Chasseurs de fourrures descendant le Missouri (1845) de George Caleb BINGHAM a été tellement utilisé pour illustrer la peinture américaine du XIXème siècle qu'il en est devenu le symbole. Cet artiste -très peu connu en France- fut à la fois un grand peintre, complètement autodidacte, et un homme politique. Ce type de scènes de genre, des hommes qui se battent contre la nature pour assurer leur quotidien, est très apprécié à l'époque. On est dans l'univers de Mark Twain ou de Tom Sawyer.

Art du XXème siècle européen

Paul Klee - Hamamet @

Cette collection reste peu abondante mais heureusement la qualité compense la quantité. Le seul artiste vraiment bien représenté est Paul KLEE grâce à la donation importante du marchand Heinz BERGGRUEN .

Dans Le repas du lion (1907) du Douanier ROUSSEAU, exposé au salon d'Automne de la même année, on retrouve l'univers très personnel de cet artiste. Sa peinture naïve s'inspire à la fois de ses visites au jardin des plantes et des photos d'un livre d'animaux pour enfants qu'il avait acheté à sa fille.

Le tableau est contemporain des Demoiselles d'Avignon de PICASSO. PICASSO soutiendra toujours l'art du Douanier ROUSSEAU qui lui dira un jour aux débuts du cubisme : « Toi et moi sommes les deux plus grands, toi dans le style égyptien, moi dans le style moderne. », montrant ainsi qu'il avait, malgré son faible degré d'instruction, tout compris du cubisme.

Balthus, Nu devant un miroir, 1955

BALTHUS (1908-2001) avec La montagne (1937) nous fait entrer dans son univers particulier. Il s'agit là d'une œ,uvre de jeunesse où l'on sent bien les différentes influences qui contribueront à l'élaboration de son art : Piero DELLA FRANCESCA pour le hiératisme et la monumentalité des personnages, SEURAT pour leur enfermement en eux-mêmes et COURBET pour la qualité du paysage.

Le département des sculptures

C'est également un très beau département et qui nous permet de parcourir les siècles. Commençons avec CANOVA (1757-1822), le grand maître du néoclassicisme avec Persée tenant la tête de Méduse (1804/06), chef d'œ,uvre très caractéristique de ce mouvement. Comme chez DAVID en peinture, l'inspiration vient de l'antiquité (ici référence avouée à l'Apollon du Belvédère) et l'œ,uvre doit avoir un aspect parfaitement lisse, très fini.

Ugolin et ses fils (1865/67) de CARPEAUX (Valenciennes 1827-Courbevoie 1875) est, quant à lui, représentatif du mouvement romantique en sculpture. C'est un marbre réalisé d'après l'original qui est de 1861. Le sujet est tiré de l'Enfer de Dante, c'est le destin dramatique du comte Ugolino della Gherardesca, accusé à tort de trahison, que l'on emmure avec ses fils. Le moment représenté est celui où ses enfants sentant leur mort proche supplient Ugolin de survivre en se nourrissant de leur chair. L'inspiration vient de MICHEL-ANGE dans le Jugement Dernier de la chapelle Sixtine. On y retrouve ce que l'on a appelé la terribilitas de MICHEL-ANGE.

Enfin voici RODIN (1840-1917), un sculpteur très apprécié des Américains. Cet Adam (1910/11) est une commande spéciale du Metropolitan Museum passée à RODIN d'après l'original de 1880.

En sculpture, le Metropolitan Museum a la même politique qu'en peinture c'est-à-dire la volonté de se développer dans le domaine de l'art contemporain. Un nouvel endroit a été aménagé sur le toit du musée : un musée de sculpture vivant où les œ,uvres sont renouvelées chaque année. C'est un complément de l'aile Lila ACHESON WALLACE aménagée en 1987 qui est dédiée à l'art contemporain.

Voici parcourus, un peu rapidement compte tenu de leur richesse, la plupart des départements du Metropolitan Museum of Art de New York en dehors de ceux de peinture qui feront l'objet des deux prochaines séances.

Il faut préciser une particularité de ce musée : si la Ville de New York participe à la gestion et à l'entretien des bâtiments, le musée reste une fondation privée, gérée par le trustees of the Metropolitan Museum of Art. Une fois de plus, comme à la Frick collection, nous avons ce phénomène typiquement américain : l'importance colossale du mécénat privé alors que le ministère de la Culture a un budget dérisoire par rapport à celui des grands pays européens.

Par Serge Legat

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