La montagne sauvage du lac Majeur

Au nord du lac Majeur, les Alpes italiennes aux vallées encaissées et très boisées offrent 3 500 kms de sentiers à travers deux parcs naturels. Dans les villages de pierre, des hébergements ont été installés où l'on peut aussi déguster une cuisine de montagne réalisée avec des produits cultivés sur place.

Au nord du lac Majeur, les Alpes italiennes semblent avoir résisté aux excès du tourisme, de l'urbanisme et de la modernité. Vallées encaissées, pentes abruptes et boisées, alpages et villages de pierre font de cette partie du Piémont un cadre à l'authenticité préservée pour un séjour tranquille et des randonnées pédestres.
A quelque 150 kms de Milan, les deux parcs naturels —,Alpe Veglia e Alpe Devero et dell Alta Valle Antrona- offrent de nombreux itinéraires qui frôlent la frontière suisse. Sur les 3 500 kms de sentiers bien entretenus, les promeneurs pourront choisir en fonction de la difficulté ou du temps dont ils disposent. A des altitudes variant entre 1 600 et 3 500 mètres.

Avant une plongée dans les Gorges d'Uriezzo, une étape au village de pierre d'Oira di Crevoladossola, 120 habitants, permet de goûter le vin de Mario et de son frère, héritiers d'une tradition qui remonte au XVIème siècle. A Cà d'Maté, Cà, leur belle maison, ils accueillent quelques touristes.
La balade dans les Gorges dont on emprunte les passages étroits où la lumière ne passe pas donnera juste ce qu'il faut de frisson aux enfants. Vues de haut, les marmites des Géants où l'eau tourbillonne sont un autre exemple de l'érosion qui a sculpté le paysage de cette région.



A Alpe Devero, Rosy et Bruno, un couple italo-suisse proposent des chambres confortables et un dîner roboratif dans leur chalet Casa Fontana, où l'on n'accède qu'à pied ou en jeep. Cette halte permet de longues promenades dans le parc naturel Veglia Devero. Les hautes montagnes rocheuses dominent un paysage de forêts, d'alpages et de lacs. Avec un peu de chance, un bouquetin ou une marmotte se laisseront apercevoir quelques brefs instants. Il règne un calme et une sérénité que ne troublent pas les troupeaux de vaches dont le lait sert à fabriquer le fromage des Alpes Bettelmatt. Une pâte cuite que l'on pourra déguster à l'agriturisme Alpe Crampiolo. Pour 10 à 15 euros on se régale de lard, jambon, courgettes grillées, pommes de terre, polenta, confiture de myrtilles et miel, tous issus du jardin de la maison.



La volonté de préservation de ces sites exceptionnels est concrétisée dans le village de La Tensa. Les vieilles maisons en pierres accrochées à la montagne -et qui étaient en ruine- ont été restaurées et aménagées en 3 chambres confortables et 4 petits appartements. L'ancienne étable est devenue un restaurant avec terrasse et vue sur la vallée où l'on peut prendre ses repas, préparés avec des produits cultivés sur place. La balade se poursuit par des sentiers forestiers vers le lago di Devero et son eau turquoise, entouré de montagnes rocheuses. En hiver, on peut y faire du patin ou des balades en raquettes.

Si l'on est curieux de spiritualité lointaine, on grimpera 150 mètres de dénivelé dans la forêt pour visiter Bordo, un vieux village où s'est installée une toute petite communauté bouddhiste, qui accueille en pension des adeptes de cette religion ou des personnes à la recherche de calme et de recueillement. Le joyau de cette vallée d'Antrona est son lac, apparu en 1642 à la suite d'un éboulement de terrain. Il est utilisé aujourd'hui pour la production électrique mais l'exploitation du fer et de l'or qui ont fait vivre cette vallée jusqu'en 1945 sont terminées.

A Domodossola, le monastère Sacro Monte, son jardin aux nombreuses variétés d'arbres et sa chapelle du XVIIème siècle sont classés au patrimoine de l'Unesco. Après l'avoir visité, on prendra le petit train de la Vigezzina jusqu'à Santa Maria Maggiore. Ce joli village est un point de départ de la Route des moulins et des pressoirs. A Malesco, un ancien moulin soigneusement restauré sert de cadre au Musée archéologique du parc national Valgrande.



Les vallées étroites et enfoncées à la végétation impénétrable donne une idée de la dureté de la vie dans ces régions, aujourd'hui désertées. On s'y nourrissait de châtaignes et on envoyait les enfants, dès l'âge de 5-6 ans, ramoner les cheminées à travers l'Europe. Un musée est consacré à ces petits ramoneurs à Santa Maria Maggiore. Durant la seconde guerre mondiale, les résistants en firent des bases de leur combats contre le nazisme.
Au bord du lac Majeur, les villes sont réputées pour leur charme architectural et légèrement désuet. A Cannobio, la promenade qui longe le lac ravit par ses façades colorées et ses maisons de pêcheurs et mérite à elle seule qu'on s'y arrête.
Les amateurs d'authenticité et de panorama grandiose pousseront vers l'agritourisme d'Archia, un alpage construit en 1939 à 1200 m d'altitude. Les paresseux l'atteindront en 4X4 et les plus courageux parcourront les
8 kms de chemin de terre à pied. En se régalant de la vue sur le lac Majeur.
S'ils ne sont pas restés pour y dormir, ils pourront passer la nuit à Mergozzo, un charmant village escarpé sur les rives su lac de Mergozzo, sorte d'appendice du lac Majeur.



Les excursions dans cette région montagneuse n'interdisent par de (re)découvrir les villes qui bordent le lac Majeur : Stresa ses villas et ses palaces du XIXème siècle, ou Verbania sans oublier les célèbres îles Borromées. Ces hauts lieux de l'histoire italienne et de ses grandes familles (Borromées, Visconti), dont certains écrivains français contribuèrent à la notoriété, furent aussi des lieux de villégiature pour les gens aisés des XIXème et début du XXème siècle.

Par Françoise Merteuil