Entre Vézelay et Guédelon : les nourritures de l'esprit

Bourgogne. Vézelay, et sa basilique sauvée par Viollet-le-Duc, et le restaurant du chef étoilé Marc Meneau en sont les phares. La ville fut aussi accueillante pour des artistes, des écrivains des intellectuels. Le promeneur peut y retrouver Kandinski, Picasso, Calder, Romain Rolland... et jusqu'au 15 novembre une rétrospective Georges Bataille. Textes accompagnés des illustrations de Fautrier, Masson, Belmer, sans pudibonderie.

En route pour Vézelay en traversant les forêts denses du Morvan, de collines escarpées en vallons aux pentes douces. Perchée sur son rocher, Vézelay, village médiéval et sa basilique romane, domine la plaine.


Vézelay, haut lieu de l'esprit...

Sauvée par Viollet-le-Duc, la basilique est un lieu de pèlerinage pour ceux qui ont une dévotion particulière à Marie-Madeleine et ses reliques, point de départ ou passage obligé pour les pèlerins en route pour Saint-Jacques de Compostelle . Elle pourrait se suffire à elle-même. Mais au fil des ans, Vézelay est devenu terre d'accueil pour des artistes, des écrivains et des intellectuels . Le cimetière en est le témoin intemporel : Romain Rolland, Georges Bataille, Max-Pol Fouchet, Jules Roy, Maurice Clavel, entre autres, y reposent. Christian Zervos y a vécu.

La salle des sculptures du musée Zervos


D'origine grecque, ce philosophe, critique d'art, avait créé «  Les cahiers d'art  » et avait établi une relation singulière avec les artistes. Pour dire schématiquement, les artistes finançaient sa revue en offrant des œ,uvres. Leur vente en permettait l'édition.

Mais dans le même temps, Christian Zervos se constituait une jolie collection, avec les invendus. Etabli à Vézelay, il la lègue, en 1970, à la ville. Elle est composée de Picasso, Calder, Kandinsky, entre autres. Grâce à ce don, un musée voit le jour dans la maison de l'écrivain Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1915.


... et de la chair(chère)



Vézelay offre ainsi pour l'éternité un contraste saisissant entre pèlerins bâton à la main, en short, brodequins et sac-à-dos, le temps de la bure est loin, et les intellectuels, artistes, amoureux d'architecture et d'histoire qui arpentent les ruelles un guide à la main.

Deux populations aux antipodes qui se croisent et ne se voient pas. Pour enfoncer un peu plus le clou, le musée Zervos offre une rétrospective Georges Bataille pour le cinquantenaire de sa disparition. Seront exposés peintures, dessins et gravures de Masson, Fautrier, Bellmer, amis de l'écrivain iconoclaste, qui ont illustré sans pudibonderie des textes qui ne l'étaient pas moins.

Affiche de l'expo Georges Bataille

«  L'Histoire de l'œ,il  », illustrée par Belmer en est bien sûr le plus emblématique. Mais on doit à André Masson, ami de la première heure, l'illustration de la première édition de « L'Histoire de l'œ,il » et de «  L'Anus solaire  ». Jean Fautrier, au parcours erratique, illustrera la première édition de «  Madame Edwarda  » et «  L'Alleluiah. Catéchisme de Dianus  ». C'est à Hans Bellmer que revient d'illustrer les rééditions de  « L'Histoire de l'œ,il » et de « Madame Edwarda », après la guerre.

C'est sans doute avec ce dernier que Bataille rencontre la plus grande communauté d'esprit. Les six gravures érotiques de « L'Histoire de l'œ,il » font un tel écho au texte que la censure ne s'y est pas trompée et la police française a détruit une grande partie des tirages.

Après ces nourritures de l'esprit, pour les plus fortunés, les amoureux de luxe et de bonne chère, pour les pèlerins qui voudraient profiter des plaisirs de la vie avant de se lancer sur les routes de la spiritualité et de l'abstinence, un havre à une portée d'arbalète de la basilique, « L'Espérance » et la cuisine raffinée de Marc Meneau.

Personnellement, je pense qu'une cuisine inventive et sensuelle, dans un cadre précieux, ouvre tout aussi bien les chemins de l'esprit.


Guédelon, le monde rude du XIIIe siècle

Après ces hauts lieux spirituels, partons pour le XIIIe siècle, sa rudesse et sa technicité. A l'origine de Guédelon, un pari fou, reconstruire à l'identique un château fort de l'époque du roi Philippe Auguste , même apparence une fois fini, mais surtout mêmes techniques de construction qu'à l'époque.

Le premier choix fut de trouver LE terrain qui allait permettre cette gageure , une clairière, donc une forêt pouvant approvisionner en bois de construction et de chauffage, avec, non loin, une carrière de pierre et de l'eau à portée de main. Ni électricité ni eau courante sont les postulats de départ. Avec l'aide de chercheurs et d'historiens, en relevant les plans de tous les châteaux philipiens parvenus jusqu'à nous des plans sont établis, le terrain étant trouvé, l'aventure peut commencer en 1998.

Guedelon


Une population très particulière se met à hanter les lieux : bûcherons, charpentiers, menuisiers, tailleurs de pierre, potiers, venus de toute la France et d'ailleurs. Ils ont posé leurs valises dans cette clairière et y ont fait leur vie.

Un village fait de huttes a poussé tout autour de ce qui est le cœ,ur de l'activité, le château. En effet, tout est fait sur place, les tuiles sont fabriquées dans l'atelier du potier, les madriers, les poutres chez le charpentier, les pierres sont entre les mains du tailleur de pierre. Jusqu'aux outils qui sont confectionnés sur place. Ainsi, le système de poulies, ancêtre de la grue, qui permet de monter les pierres au sommet du donjon, a été fabriqué sur le site.

Après quatorze années de dur labeur, le château commence à prendre forme. Le corps de logis est fini, sa décoration intérieure débute. Les fresques qui orneront la chambre des invités en sont à leurs prémices.

Une journée à Guédelon permet aux plus grands de rafraîchir leurs connaissances historiques et aux plus petits d'illustrer leur imaginaire moyenâgeux peuplé de princes et de princesses, de loups et de sorcières.

Lire aussi :

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- Du canal du Nivernais au lac de Pannecière
- La Bourgogne du vin et de l'insolite


Musée Zervos
03 8632 39 26 —, courriel : musee-zervos@cg89.fr

L'Espérance
+33 (0)3 86 33 39 10 - courriel : reservation@marc-meneau.com

Château de Guédelon
03 86 45 66 66 - guedelon@guedelon.fr



Par Marie Catherine Chevrier

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