Les reboots de séries TV sont-ils (vraiment) féministes ?

De Gossip Girl à Gilmore Girls : A Year in the Life, en passant par And Just Like That... et The L Word : Generation Q, les reboots et remakes de séries télévisées jouent un rôle clé dans la représentation des femmes, des genres et des sexualités. Quelles sont donc ces séries TV « nouvelle génération » qui mettent en scène des personnages moins stéréotypés et plus diversifiés ? Décryptage.

 

Simple phénomène de mode ou révolution en marche ?

Dans le monde très hétérogène des séries TV, la diversité est représentée de multiples façons. Rebootées avec plus ou moins de succès, certaines séries tentent de cocher toutes les cases en multipliant les stéréotypes et en les ancrant dans leur époque. Entre continuité et originalité, le reboot apparaît presque comme une solution miracle au bingo de la diversité. Mais représentation féminine ne rime pas avec quantité. Non, il ne suffit pas de montrer plein de femmes à l’écran pour pouvoir qualifier son œuvre de féminine, voire féministe. Si écrire une série sans user (et parfois abuser !) de stéréotypes est quasi mission impossible, l’introduction de nouveaux personnages a enclenché une révolution dans les représentations de la femme et du féminin à l’écran.

 

En évoquant librement l'intime féminin, certains reboots proposent un nouveau type de récit et de nouvelles réflexions autour du corps et de sa sexualisation. Sex and the City était avant-gardiste dans son genre et plutôt en avance sur son temps : même si ses quatre héroïnes New-Yorkaises répondent toutes à un archétype blanc, la série dissèque sans tabous leur vie sexuelle et redéfinit le rapport au plaisir féminin. Peu inclusif et très hétéronormé, le programme phare de HBO a été conçu par un homme, mais de nombreuses femmes ont collaboré au scénario et contribué à éveiller les consciences. L’émancipation de trois de ses héroïnes et l’arrivée de nouveaux personnages, avec des orientations et identités différentes, ne suffisent pas à faire de son reboot – And Just Like That… – un programme progressiste, voire féministe.

 

Du sexisme au féminisme, il n’y a qu’un pas…

Serait-ce désormais dans ces reboots d’anciennes séries que les révolutions féministes se jouent ? Force est de l’admettre : le manque criant de diversité sociale, ethnique et culturelle de certaines séries TV est devenu problématique. Comment voir autrement Gossip Girl qu’un regroupement d’adolescents riches, aux corps homogènes, sveltes et blancs ? C’est là que le reboot intervient comme grand sauveur pour dépoussiérer et réactualiser nos séries d’antan sur petit écran. Avec un casting qui se veut plus inclusif, queer et de couleur, le reboot du teen drama met fin au « slut-shaming » et autres rivalités féminines dégradantes.

 

Si la plupart de ces reboots suivent l'air du temps et incluent les problématiques de leur époque, tous ne le font pas de la même manière ou au même rythme. Les séries américaines, par exemple, ont une longueur d'avance car les lois sur les représentations des minorités aux États-Unis sont plus avancées qu’en Europe. À commencer par les communautés LGBTQIA+ et de couleur qui luttent depuis longtemps pour être plus visibles sur petit et grand écran. C'est toute une représentation des femmes et des sexualités qui a fini par évoluer tant il a fallu de temps pour modifier les codes traditionnels et lutter contre le sexisme ordinaire. Ces nouvelles séries constituent donc un intermédiaire clé pour bousculer les stéréotypes et mieux traduire ces féminins multiples.

 

Une vraie révolution, mais encore un long chemin à parcourir…

Pourquoi les femmes n’auraient-elles pas aussi le droit de chasser des fantômes, de braquer des banques ou de sauver le monde ? Nulle étude n’est nécessaire pour savoir qu’elles sont encore extrêmement discriminées. Si The L Word a été pionnière dans la représentation des femmes homosexuelles, son reboot a réussi à infuser de la nouveauté dans de l’ancien, en mettant en avant des personnages plus racisés. Mais il reste encore beaucoup de choses à accomplir pour favoriser un véritable esprit de sororité. Il faudrait créer plus de personnages féminins et leur donner davantage de profondeur, et ce pas seulement pour satisfaire les minorités. Ce que nous voulons, ce sont de vraies héroïnes (et anti-héroïnes) qui ne répondent pas à des clichés insipides, vides et dénués de sens. Des personnages que l’on admirerait ou craindrait, non pas pour ce qu’elles sont, mais pour ce qu’elles parviennent à nous transmettre.

 

Avec 44% de personnages féminins à l’écran, la place des femmes à la télévision est significative. Néanmoins, 80% des showrunners sont des hommes à Hollywood. En augmentation ces dernières années, les créatrices de séries TV construisent de nouvelles formes de narration pour lutter contre ces représentations féminines encore trop souvent biaisées. Il reste un long chemin à parcourir pour proposer des représentations à la hauteur de nos vies, de nos sociétés et de nos cultures. Fort heureusement, bien qu’usé par un sexisme enraciné, ce chemin est de plus en plus emprunté, et surtout par les bonnes personnes.

 

Adeline Rajch Toutpourlesfemmes

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