Yasmine Ghata, lauréate du Prix de la Closerie des Lilas 2023

Récompensant la littérature féminine, le Prix de la Closerie des Lilas 2023 a été décerné, ce mardi 18 avril, à l’écrivaine Yasmine Ghata, pour son roman Le Testament du prophète, paru en janvier aux éditions Bouquins.

 

Remise du prix de la Closerie des Lilas 2023

Dominique Bona, présidente du Prix de la Closerie des Lilas 2023, annonçant
la lauréate de cette édition, Yasmine Ghata, pour son roman Le Testament du prophète,
paru aux éditions Bouquins.

 

Un livre personnel sur les femmes distingué par des femmes

Fondé en 2007, le Prix de la Closerie des Lilas a une mission et pas des moindres : soutenir et faire connaître une littérature féminine de qualité. Le jury permanent, Emmanuelle de Boysson, Carole Chrétiennot, Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Stéphanie Janicot, Jessica Nelson et Tatiana de Rosnay, accompagné du jury invité, s’est réuni mardi dernier pour délibérer dans la célèbre brasserie emblématique des Années folles, située boulevard du Montparnasse. Présidé par Dominique Bona cette année, le jury invité était quant à lui composé de Lison Daniel, de Zita d’Hauteville, de Laurence Ferrari, d’Amanda Lear, de Géraldine Pailhas et de Vanessa Schneider.

 

L’annonce est tombée vers 20 heures : c’est Le Testament du prophète de Yasmine Ghata (éditions Bouquins) qui a remporté la majorité de suffrages, devant Les guerres précieuses de Perrine Tripier (Gallimard) et Les Mangeurs de nuit de Marie Charrel (L’Observatoire) qui figuraient dans la deuxième sélection en lice pour cette édition. « C’est une très belle écriture, poétique, sobre, faite de petites phrases, déclare Dominique Bona. Chaque phrase mérite un retour à la ligne ; ces courtes phrases forment comme un long poème romanesque. Nous avons tout aimé : le parfum, la couleur, les personnages, la merveilleuse romancière qu’est le personnage principal ».

Couverture Le Testament du prophète

Le Testament du prophète de Yasmine Ghata, éditions Bouquins,176 p. - 18 €

 

Une distinction doublement symbolique puisqu’il s'agit d’un livre très personnel sur les femmes choisi par un jury exclusivement féminin. Fille de l'écrivaine Vénus Khoury-Ghata, la lauréate succède ainsi à Éléna Piacentini, qui s'était vue décerner le Prix de la Closerie des Lilas 2022 pour son roman Les silences d'Ogliano (Actes Sud).

 

Un récit fort et poétique, entre fiction et réalité

Réalité et fiction se mêlent dans le septième roman de l’écrivaine française d’origine libanaise, qui a notamment écrit La Nuit des calligraphes et Muettes, respectivement parus en 2004 et en 2010 aux éditions Fayard, ou encore Le calame noir, paru en 2018 chez Robert Laffont. De nombreuses années après son départ, la narratrice, une romancière de renom, est de retour dans son village natal au Liban. Accompagnée d’une équipe de tournage chargée de réaliser un reportage sur son retour aux sources, elle arpente les ruelles et nous transporte dans ces lieux chargés de souvenirs et d’émotions :

 Dans sa tête, elle note tout ce qu'elle voit, les choses mineures illuminant des traces majeures.

Rapidement, elle est confrontée à l'hostilité des villageois qui lui reprochent d’avoir sali leur histoire et leur réputation dans ses livres. Guidée par les mots de son maître spirituel Gibran Khalil Gibran, auteur du Prophète, elle exprime l’indicible pour tenter de s’en affranchir et de rendre justice. Alors qu’elle se remémore peu à peu les lieux, les odeurs et les visages de son enfance, elle revient sur un fragment de son histoire familiale passé sous silence, qu’elle souhaite raviver pour s’en délivrer : « Le Testament du prophète a une saveur particulière pour moi, affirme la lauréate. J’étais ensorcelée en l’écrivant, je voulais en finir avec cette lourde histoire familiale, ce lègue d’une ancienne souffrance – j’allais dire – de cette souffrance archaïque que portent toutes les femmes. Cette âpre dette, c’est dans la fiction que je m’en suis délivrée ».

 Écrire supprime la peur de l’abandon et nous rend complet 

Tout au long de son récit, la romancière tente ainsi de comprendre ce qui a conduit la quasi-totalité d’une fratrie – sa mère, son oncle et sa tante – à emprunter ce même chemin de l’écriture : « Dans ma famille on n’aime pas la parole, déclare l’écrivaine. L’écriture a remplacé l’oralité. On ne communique ensemble que par le biais de la fiction. Ce roman était en quelque sorte la somme des non-dits émaillant notre histoire familiale ».

Avec beaucoup de pudeur, d’humilité et de sagesse, Le Testament du prophète nous plonge dans la réalité de la tragédie à laquelle sa famille et elle ont dû faire face : « D’où vient l’écriture ? J’ai mis du temps à comprendre qu’écrire supprime la peur de l’abandon, et qu’écrire nous rend complet », conclut Yasmine Ghata. Un roman profond et universel sur le poids des traditions, le puissant héritage des mots et la force salvatrice de la littérature à découvrir.

 

Adeline Rajch Toutpourlesfemmes

A voir aussi

Tags