Giselle D’Akram Khan au Théâtre des Champs-Elysées : le ballet classique modernisé

Giselle, c’est le grand ballet romantique par excellence, on vous en avait déjà parlé en juin dernier puisqu’il était alors dansé à l’Opéra de Paris.

Giselle : Qu’est-ce que c’est ?

Petit rappel de l’histoire : la paysanne Giselle est séduite par Albrecht, qui lui cache sa condition de noble. Le garde-chasse Hilarion découvre l’imposture et la révèle au grand jour.

Giselle, qui a le cœur fragile, devient folle de désespoir et en meurt. Au deuxième acte, elle se réincarne parmi les willis, des esprits féminins vengeurs qui obligent tous les hommes qu’elles croisent à danser jusqu’à la mort. Hilarion le premier, pris dans leurs filets, en fait les frais.

Puis vient le tour d’Albrecht ; mais Giselle, qui n’a pas renié ses sentiments pour lui, l’arrache aux griffes de ses consœurs dans le plus bel acte de pardon de l’histoire du ballet, avant de disparaitre dans sa tombe l’aurore venue.

 

Thématique de Giselle : aujourd’hui

Une thématique qui prise au pied de la lettre peut sembler un peu dépassée, voir notre article « le ballet classique est-il sexiste ».

Des seigneurs qui ne peuvent se mélanger aux paysannes, de longs tutus blancs et une belle musique classique : à priori rien de bien révolutionnaire. Cette histoire tragique d’amour et de trahison, imaginée par Jean Coralli et Jules Perrot, a été chorégraphiée pour la première fois en 1841 et reste largement dansée partout dans le monde dans sa forme classique.

Entre temps, il y a eu Mats Ek, premier chorégraphe contemporain d’envergure à s’attaquer à ce mythe et à en créer, en 1982, une version contemporaine. Il avait alors imposé une lecture aux accents de lutte des classes, transposé le deuxième acte dans un hôpital psychiatrique, descendu les danseuses de pointes et, tout en conservant la belle musique d’Adolphe Adam, recréé toute la chorégraphie, dans un style très cru radicalement éloigné du classique.

 

Bien des années plus tard, c’est le chorégraphe britannique Akram Khan qui s’attaque à son tour, en 2016, à ce monstre sacré, à la demande de Tamara Rojo, alors directrice artistique de l’English National Ballet.

Le résultat, largement salué par la critique, est proposé ce mois-ci par le même English National Ballet à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, pour quatre dates – série au cours de laquelle Tamara Rojo elle-même fera ses adieux à la scène.

 

Giselle par Akram Khan

Akram Khan n’est pas un chorégraphe ordinaire.

Issu de la danse Kathak, il développe une gestuelle au croisement de cette danse traditionnelle du Nord de l’Inde et de formes plus contemporaines, et y trouve des affinités inattendues avec le classique. Oui, si la composition musicale de Vincenzo Lamagna, très actuelle, ne reprend que quelques-uns des thèmes d’Adam, on retrouvera bien dans cette lecture résolument moderne des danseuses sur pointes.

Sa Giselle puise dans la narration des thèmes universels : l’histoire est transposée dans les ateliers de textile indiens, et sa danse à la fois puissante et expressive dénonce aussi bien l’exploitation des plus pauvres dans un contexte de mondialisation galopante (le mur érigé sur scène par le chorégraphe est éloquent et ramène insidieusement à la question des migrations) que l’oppression des femmes.

Les willis du 2ème acte perdent leurs tutus blancs, mais n’en reviennent pas moins aux origines, ressemblant plus que jamais à des spectres surgis de la nuit.

Alors que ces dernières années certains auraient souhaité modifier la fin du ballet pour qu’Albrecht soit puni, Akram Khan, en traduisant par la dualité entre la reine des willis et Giselle les deux facettes d’une même personne, renforce au contraire la puissance de ce pardon sans l’idéaliser pour autant.

Une relecture très actuelle à voir absolument !

 

Allison Poels Toutpourlesfemmes

Infos pratiques

Giselle

Théâtre des Champs-Elysées

Du 12 au 15 octobre (15 à 130€)

https://www.theatrechampselysees.fr/saison-2022-2023/danse-1/english-national-ballet

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