Retraites : le projet de réforme du Gouvernement

Age légal de départ à la retraite : 62 ans en 2018

Augmentation à 62 ans en 2018 de l'âge légal de départ à la retraite, rapprochement des règles public/privé, renforcement de dispositifs de solidarité, en particulier à l'égard des femmes, amélioration de l'emploi des séniors (aide à l'embauche, tutorat), font partie des mesures envisagées dans le cadre du projet du Gouvernement relatif à la réforme des retraites présenté le mercredi 16 juin 2010 par le Ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique, Eric Woerth. Extraits de son discours.




- Augmentation à 62 ans en 2018 de l'âge légal de départ à la retraite
- Prolongation du dispositif « carrières longues » et prise en compte de la pénibilité
- Amélioration de l'emploi des séniors
- Prélévement de recettes nouvelles
- Rapprochement des règles entre public et privé
- Renforcement de dispositifs de solidarité
- Amélioration de l'information des Français sur leurs futures retraites
- Retour à l'équilibre

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Extraits du discours d'Eric Woerth

* (Inter-titres de la rédaction)

Augmentation à 62 ans en 2018 de l'âge légal de départ à la retraite

(...) La durée de cotisation varie désormais en France en fonction de
l'évolution de l'espérance de vie. Cette règle continuera à s'appliquer. La
durée de cotisation sera portée à 41 ans et 1 trimestre en 2013, et devrait
marquer un palier pour s'établir, selon les prévisions actuelles de l'INSEE, à
41,5 ans en 2020.

Cette augmentation de la durée de cotisation est indispensable. Elle
est cependant insuffisante pour garantir la pérennité financière de notre
système de retraite car, dans les 10 ans qui viennent, une large majorité de
Français aura une durée de cotisation supérieure à 41 ans(...) la durée de
cotisation ne peut pas être la solution à nos difficultés dans les 10 ans qui
viennent. C'est la raison pour laquelle nous allons relever l'âge légal de
départ à la retraite, comme l'ont fait avant nous les Gouvernements allemand,
britannique, italien, espagnol, danois, hollandais et suédois.

L'âge légal de départ à la retraite sera en conséquence
porté à 62 ans en 2018, contre 60 ans aujourd'hui.
Cette augmentation sera progressive pour ne pas bouleverser les
projets de vie des Français proches de la retraite :
- l'âge augmentera de 4 mois par an, à partir du 1er juillet 2011,
pour atteindre 62 ans en 2018 ,
- cette augmentation se fera par année de naissance : ceux qui
sont nés après le 1er juillet 1951, et qui pouvaient partir à la retraite à 60 ans
l'année prochaine devront travailler 4 mois de plus , ceux qui sont nés en
1952, 8 mois de plus, et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'on atteigne 62 ans en
2018 pour les assurés nés en 1956.

Cette augmentation de l'âge légal sera générale. L'augmentation
de la durée de cotisation avait été réalisée en 3 étapes : 1993 pour le privé,
2003 pour le public, 2008 pour les régimes spéciaux. Le Gouvernement a
fait le choix d'acter dans la même réforme, celle de 2010, le relèvement
de l'âge dans le privé, le public et les régimes spéciaux.

Plus précisément, dans la Fonction publique, toutes les bornes
d'âge bougeront de deux ans. Pour les catégories actives, c'est-à-dire les
corps dont l'âge légal de départ à la retraite est généralement fixé à 50 ou 55
ans, la réforme conduira à autoriser les départs à partir de 52 ou 57 ans.

La réforme s'appliquera également dans les régimes spéciaux.
(...) le relèvement de l'âge de la retraite débutera...dans
ces régimes au 1er janvier 2017.

Parallèlement à l'augmentation de l'âge légal, l'âge du « taux
plein », c'est-à-dire l'âge à partir duquel la décote s'annule, aujourd'hui fixé à
65 ans, sera progressivement relevé de 2 ans.(...)

Prolongation du dispositif « carrières longues » et prise en compte de la pénibilité

(...) les 60 ans resteront l'âge de départ à la retraite de ceux
qui sont usés par leur travail.
Le dispositif « carrières longues » (ndlr : qui permet à ceux qui sont entrés tôt sur le marché du travail de partir à la retraite avant les autres)(...) sera poursuivi et même élargi
aux salariés qui ont commencé à 17 ans. Concrètement donc, tous les
salariés qui ont commencé leur vie professionnelle avant 18 ans continueront
de partir à 60 ans, et même dès 58 ans pour ceux qui ont commencé à 14 ou
15 ans.
Le maintien de cette possibilité de départ anticipée représente un
effort financier important, puisqu'elle conduira 50 000 personnes par an à ne
pas être concernées par la retraite à 62 ans et 90 000 personnes en 2015.
Elle est sans équivalent en Europe.

Deuxième point, les assurés dont l'état de santé est dégradé à la
suite d'expositions à des facteurs de pénibilité non seulement
garderont la retraite à 60 ans, mais en plus avec une retraite à taux plein
quel que soit leur nombre de trimestres...Aujourd'hui, les assurés qui ont été exposés à des contraintes
physiques marquées ne peuvent en aucun cas partir à la retraite avant les
autres(...)

La réforme ouvre donc un droit nouveau. Tous les salariés qui ont
une incapacité égale ou supérieure à 20 % ayant donné lieu à l'attribution
d'une rente pour maladie professionnelle (ou pour accident du travail
provoquant des troubles de même nature) auront deux avantages au titre de
la retraite :
- pour ces assurés, l'âge de la retraite ne sera pas augmenté. Il
restera fixé à 60 ans ,
- cette retraite sera attribuée à taux plein : ils ne subiront aucune
décote, même s'ils n'ont pas tous leurs trimestres.

(...) nous avons fait deux choix importants :
- les salariés devront souffrir d'un affaiblissement physique avéré
au moment du départ à la retraite pour bénéficier du dispositif « retraite pour
pénibilité ». Ceci signifie concrètement que nous n'avons pas ouvert le
dispositif à des salariés dont la santé n'est pas altérée, mais risquerait de
l'être plus tard.
- deuxième point, le droit sera accordé de manière individuelle.(...)

Cette mesure bénéficiera, après montée en charge, à
10 000 personnes par an. Au total, en ajoutant le dispositif « Carrières
Longues », ce sont 60 000 personnes par an qui ont eu une vie
professionnelle plus dure que les autres qui pourront partir à la retraite
avant les autres en 2011, et 100 000 en 2015.(...)

Amélioration de l'emploi des séniors

L'augmentation de l'âge légal sera par ailleurs complétée
par la poursuite de notre effort d'amélioration de l'emploi des séniors.
La France est dans la moyenne européenne pour le taux d'emplois
des Français âgés de 50 à 59 ans. C'est à partir de 60 ans que ce taux est
plus faible qu'en moyenne en Europe, essentiellement parce que l'âge de la
retraite à 60 ans, est l'un des plus bas d'Europe.

L'augmentation de l'âge légal va permettre d'améliorer le taux
d'emploi des seniors. A partir du moment où les paramètres de la retraite
changent, la conception même que les entreprises ont des salariés âgés
change également.

Mais cet effet doit naturellement être encouragé. En complément
des nombreuses mesures prises ces dernières années (surcote, libéralisation
du cumul emploi-retraites etc.), la réforme prévoit deux autres mesures pour
encourager l'emploi des seniors :
- une aide à l'embauche d'1 an pour les chômeurs de plus de
55 ans ,
- le développement du tutorat, pour assurer une transmission des
savoirs au sein de l'entreprise et favoriser une fin de carrière plus valorisante
pour les seniors.

Prélévement de recettes nouvelles

(...) En complément des mesures d'âge, le Gouvernement a
décidé de prélever 3,7 milliards d'euros de recettes nouvelles, soit
4,4 milliards d'euros en 2018, principalement sur les hauts revenus, les
revenus du capital et les entreprises.(...)

Plusieurs mesures de recettes concerneront en conséquence
spécifiquement les hauts revenus :
- la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu sera augmentée
d'1 point (41% au lieu de 40% aujourd'hui). Cette hausse ne sera pas prise
en compte dans le bouclier fiscal. Son rendement immédiat sera de 230
millions d'euros ,
- les stock-options seront davantage taxées. La contribution
sociale payée par le bénéficiaire sera triplée et portée à 8%. D'autre part, la
contribution versée par l'employeur passera de 10 % à 14 %. Ces mesures
rapporteront 70 millions d'euros en 2011 ,
- les retraites-chapeaux seront davantage taxées, ce qui apportera
un supplément de recettes de 110 millions d'euros dès 2011. Une
contribution salariale sera notamment créée à un taux de 14%.

Les revenus du capital seront également mis à contribution :
- les prélèvements forfaitaires sur les revenus du capital et du
patrimoine seront augmentés d'un point, pour un rendement de 265 M€ en
2011 ,
- les dividendes perçus par les actionnaires seront davantage
taxés, par la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes. Cette mesure
permettra d'augmenter les recettes du financement des retraites de
645 millions euros dès 2011 ,
- enfin, les plus-values de cession d'actions et d'obligations seront
désormais taxées à l'impôt sur le revenu quel que soit le montant des
cessions réalisées. Cette mesure rapportera 180 millions d'euros en 2011.
La dernière catégorie de mesures concerne des niches sociales
dont bénéficient les entreprises. La mesure la plus importante concerne le
calcul annuel des allègements généraux de charges patronales. Cette
mesure représente une économie de 2 milliards d'euros.

Rapprochement des règles entre public et privé

En plus des mesures relatives à l'âge, le Gouvernement s'est
engagé à rapprocher les règles en vigueur dans le public et le privé.(...)

Le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné
sur celui du secteur privé. Il passera en 10 ans de 7,85 % à 10,55 %. Au
terme de ce rattrapage, dont tout le monde comprend qu'il doit être étalé
dans le temps, il aura été mis fin à une différence majeure en matière de
retraite entre la fonction publique et le privé. Le gouvernement a en revanche
considéré que la règle des 6 mois ne pouvait être modifiée, compte-tenu des
différences dans les modes de rémunération entre le public et le privé, et du
fait que la retraite des fonctionnaires ne tient pas compte de la totalité de leur
rémunération.

Deuxième mesure de convergence, le dispositif de départ
anticipé sans condition d'âge pour les parents de 3 enfants ayant 15
ans de service sera fermé à compter de 2012.
Ce dispositif (...) sera supprimé
progressivement. Les droits acquis seront cependant respectés : les parents
de 3 enfants au 1er janvier 2012 pourront continuer de partir, sous réserve
d'avoir 15 ans de service à la date de la réforme.

Dernière mesure de convergence, le minimum garanti ne sera
désormais soumis à la même condition d'activité que dans le secteur
privé. Les fonctionnaires bénéficient de ce minimum dès qu'ils atteignent
l'âge d'ouverture des droits, même s'ils n'ont pas tous leurs trimestres. Dans
le secteur privé, un salarié doit attendre l'âge du « taux plein » (65 ans).

Renforcement de dispositifs de solidarité

(...) Premièrement, les jeunes en situation précaire bénéficieront de
trimestres validés supplémentaires lorsqu'ils sont au chômage non
indemnisé. Aujourd'hui, ils peuvent valider jusqu'à 4 trimestres d'assurance
au titre de la première période de chômage non indemnisé. Le
Gouvernement propose de porter le nombre de trimestre validés à 6.

Second point, nous devons encore agir pour améliorer les retraites
des femmes.
Nous avons fait des progrès majeurs dans ce domaine. L'écart
de pensions s'est réduit et aujourd'hui les femmes ont au moins autant de
trimestres que les hommes. Mais si la situation s'est améliorée, elle n'est bien
évidemment pas rose. Deux choses me semblent indispensables :
- empêcher que le congé maternité ne fasse chuter la pension
de retraite. Cela nécessite, contrairement à aujourd'hui, que l'indemnité
journalière perçue pendant le congé maternité entre désormais dans le
salaire de référence sur lequel sera calculée la pension de retraite ,
- lutter plus activement contre les inégalités salariales au
cours de la carrière. Les entreprises ne s'investissent pas suffisamment
dans la réduction des écarts salariaux. Depuis 27 ans, les entreprises de plus
de 300 salariés doivent faire un diagnostic de la situation comparée des
femmes et des hommes. Seule une entreprise sur deux fait effectivement ce
rapport. Il est indispensable que cela change. Le gouvernement a donc
décidé de prévoir un dispositif de sanction de l'absence de diagnostic de
situation comparée.

Troisième priorité, la retraite des agriculteurs. Le projet de
réforme contient deux mesures importantes (...). La principale vise à faciliter l'octroi du minimum vieillesse
(709 € pour un célibataire) aux agriculteurs et éviter ainsi que certains d'entre
eux n'aient des pensions de retraite de 300 ou 400 euros par mois : les terres
agricoles et les corps de fermes ne feront plus l'objet d'un recours sur
succession, ce qui répond à une demande très ancienne de la profession.

Amélioration de l'information des Français sur leurs futures retraites

(...) Le
sentiment de complexité (ndlr: par rapport aux multiples systèmes de retraite) reste important. Or une bonne retraite nécessite de
pouvoir faire les bons choix et au bon moment.

*Les règles relatives à la retraite sont nombreuses, notamment parce que le système français offre des protections face à un grand nombre de situations (chômage, maladie, maternité, temps partiel, etc.). Pour des raisons historiques, la France a par ailleurs un système de retraite divisé en 35 régimes obligatoires. Certains sont des régimes de base, d'autres des régimes complémentaires, d'autres enfin assurent les deux étages. Dans la plupart des cas, les Français sont « poly-pensionnés », c'est-à-dire relèvent de plusieurs régimes. En moyenne, ils perçoivent 2,3 pensions de retraite. Même si une grande partie des règles de ces 35 régimes sont aujourd'hui communes, ce morcellement accentue le sentiment de complexité.
C'est la raison pour laquelle
nous allons notamment créer un « point d'étape individuel retraites » à
45 ans.

Retour à l'équilibre

(...) Cette réforme permettra le retour à l'équilibre dès
2018 et règle également la question des déficits accumulés d'ici cette
date.
Plus précisément, le bouclage de la réforme est le suivant :
- les mesures d'âge permettront de réduire de près de 50 % le
déficit en 2018 ,
- les économies supplémentaires réalisées, dans la Fonction
publique, grâce au rapprochement des règles du public et du privé,
rapporteront 4 Md€. Elles permettront de stabiliser la contribution de l'Etat à
son niveau de 2008, soit 15,6 Md€ ,
- les mesures de recettes s'élèveront à 4,4 M€ en 2018. S'y
ajoutera, dans le prolongement des hypothèses du Conseil d'orientation des retraites (COR), le surcroît de
cotisations obtenu en basculant des cotisations d'assurance-chômage sur
des cotisations de retraite à partir de 2015, pour un montant de 1 Md€ en
2018. Ce basculement est très prudent, puisqu'il représente moins de 3 % du
bouclage global de la réforme en 2018. (...)


En 1980, l'espérance de vie à 60 ans était de 17,3 pour les
hommes et 22,4 ans pour les femmes. En 2009, l'espérance de vie à 62 ans
serait de 20,8 ans pour les hommes et 25,2 ans pour les femmes.

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Par Nicole Salez

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