Créer ou reprendre une entreprise : interview de Frédéric Turbat

« Créateurs d'entreprises, lancez-vous ! »

Présent au salon 2012 de la micro-entreprise, Frédéric Turbat expert comptable et commissaire aux comptes, forme et soutient depuis de nombreuses années, les créateurs et d'entreprises. Il s'adresse à eux de façon simple : il répond à leurs préoccupations quotidiennes ! Il les conseille et les encourage à franchir des obstacles qui relèvent parfois plus de la psychologie que de la technique. Ce qui peut sembler une évidence, ne l'est pas en vérité.


Frédéric Turbat, accompagne les créateurs d'entreprises


--- Vous avez publié en 2012 un manuel à l'intention des créateurs d'entreprises. Qu'est-ce qui vous a amené à réaliser cet ouvrage ?


Frédéric Turbat : Plusieurs éléments m'ont incité à écrire ce livre. Au cours des séminaires de formation destinés à des créateurs et repreneurs d'entreprises, un grand nombre de questions étaient systématiquement posées. Par exemple : « quel est le meilleur statut pour moi ?», « comment peut-on se rémunérer quand on crée une entreprise ?», « quelle va être ma protection sociale ?», etc.

J'ai tout d'abord imaginé rédiger un support de formation à donner aux stagiaires. Puis, un des participants m'a demandé en 2010 si je ne pouvais pas lui recommander un livre où ces sujets étaient abordés. J'ai consulté un grand nombre d'ouvrages et aucun ne traitant ces questions de manière directe, je me suis lancé dans l'aventure !

-- Il existe déjà beaucoup de littérature sur le sujet de la création d'entreprise. Qu'avez-vous cherché à apporter de plus ?

Frédéric Turbat : Il existe en effet un grand nombre de livres sur le sujet. A ma grande surprise, je n'en ai pas trouvé écrits par des professionnels en exercice, à l'exception d'un ouvrage sous la plume d'un avocat, aucun (à ma connaissance), par un expert-comptable.

Les ouvrages traitant de l'entrepreneuriat, des auto-entrepreneurs, des reprises d'entreprises, le plus souvent, exposent ce qui existe. Ils détaillent les caractéristiques de tel statut, les spécificités de telle situation en matière de protection sociale et de retraite, mais très peu sous l'angle du conseil. Dans le livre « CREATEURS LANCEZ-VOUS ! », je prends position sur un certain nombre de sujets, je propose le statut qui me semble préférable, quand on a tel âge, dans tel type d'activité, etc.

En fin de livre, mais je me rends compte que cela supposerait un tome II (!!), j'ai tenté de mettre à mal quelques images d'Epinal sur l'entrepreneuriat. Exemples :« au bout de trois ans, tu déposes le bilan », « c'est à cause de la TVA que je me suis planté »....

-- Le titre de votre livre comporte une injonction « lancez-vous ». Est-ce un encouragement envers des candidats timorés, hésitants ?

Frédéric Turbat : Je suis convaincu qu'une personne qui a un projet viable a tout intérêt à tenter l'aventure. Aujourd'hui, avec le système d'accompagnement par le Pôle Emploi et le grand nombre d'intervenants autour de la création d'entreprise, il est manifeste que se lancer n'est pas aussi risqué que cela semble.

Humainement, c'est également une aventure enrichissante, sinon primordiale dans le développement de chacun, dans la mesure où la personnalité évolue forcément, certaines certitudes tombent, où par la grande diversité du métier d'entrepreneur, on est parfois contraint de se faire violence, de se dépasser.
Donc, oui, c'est un encouragement auprès des candidats hésitants.

-- Créateur d'entreprise vous-même, expert —,comptable, vous formez de futurs entrepreneurs, vous les accompagnez dans leur développement. Quels sont selon vous les principaux obstacles à la création d'entreprise ?

Frédéric Turbat : Je vois deux grands obstacles.
Le premier, c'est le passage du salariat à l'entrepreneuriat. Il est parfois délicat pour certains créateurs. Pour un salarié, son organisation administrative, la protection sociale ou la possibilité de partager ses interrogations ou difficultés professionnelles avec des collègues, ne se pose pas. Pour un créateur, tout peut devenir sujet à interrogation, choix et parfois difficultés ! On parle souvent de la solitude de l'entrepreneur. C'est une réalité d'autant plus importante que le créateur a travaillé longtemps avant de se lancer, en entreprise.

L'autre écueil est celui du financement, ou plus précisément du mode de financement. C'est parfois la course. D'autant plus que la loi favorisant les créations d'entreprises par une réduction d'impôt sur le revenu s'est fortement alourdie.
Auparavant, il n'était pas rare de voir des membres de la famille investir dans la société de leurs enfants ou petits-enfants. C'est de moins en moins vrai.

Quant aux prêts bancaires, s'ils sont toujours accordés, y compris en temps de crise, la sélection des dossiers est parfois plus drastique.

Or, au lancement d'une entreprise, il est primordial d'avoir prévu le financement sur plusieurs mois, voire plusieurs années.

Enfin, les questions de gestion de l'entreprise ne constituent pas systématiquement un obstacle à la création en elle-même, mais plutôt une difficulté qui se révèle plus tard. La gestion d'une structure, ça s'apprend, le suivi de la trésorerie, l'appréhension des calendriers déclaratifs, le décalage entre chiffre d'affaires et trésorerie disponible, ne s'improvisent pas.

-- Aux futurs entrepreneurs, quelles sont vos principales recommandations ?

Frédéric Turbat : De se lancer !!! De ne pas hésiter !!!
Mais, il est essentiel de prendre le temps de se former. Aujourd'hui, pour les rapides du clavier et de la souris, il faut environ 11 minutes pour s'inscrire en qualité d'auto-entrepreneur. Mais faut-il 11 minutes pour être chef d'entreprise, même d'une toute petite structure. Surement pas !

Aussi, il est essentiel de prendre le temps de savoir ce qu'est une entreprise, et elle ne se résume pas à une structure qui facture du chiffre d'affaires, mais c'est un organisme vivant au milieu d'intervenants économiques, de partenaires, c'est un collecteur de taxes, c'est un lieu où l'entrepreneur peut se construire sa protection sociale, peut l'améliorer, la faire évoluer en fonction des étapes de sa vie personnelle, etc. Tout cela ne s'acquiert pas uniquement sur le tas, avec l'expérience.

L'offre de formation pour les créateurs d'entreprises devra surement s'étoffer, à la fois en contenu, mais aussi en nombre d'intervenants dans un avenir assez proche.
Une de mes recommandations : prenez le temps de vous former !

-- Parmi les créateurs d'entreprises que vous accompagnez quelle est la proportion de femmes ? Ont-elles une approche différente dans les différentes étapes de la vie de l'entreprise ?

Frédéric Turbat : D'après l'APCE (Agence pour la création d'entreprise), la part des femmes créatrices d'entreprises représentent environ 30% du nombre de créateurs. On note de très nombreuses initiatives menées par des femmes pour se regrouper, constituer des lieux d'échanges et d'accompagnement, souvent de manière très dynamique.

Parmi les personnes que j'accompagne, on se rend compte qu'un homme choisira plus facilement de se lancer seul, alors qu'une femme a plus tendance à chercher à être entourée des bons partenaires pour assurer le développement de son entreprise. Une femme fonctionne peut-être plus naturellement en réseau qu'un homme. Bien évidemment, cela dépend de la situation personnelle ou familiale, de l'âge également et du projet.

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Par Elsa Menanteau
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