Entre les vallées du Lot et du Célé, les prairies et les jardins qui entourent les beaux villages pittoresques, en cette époque de l’année « l’or rouge » fait surface sous forme d’une fleur mauve fragile et délicate « le crocus ».
La récolte du safran
Tôt le matin, quand la rosée perle encore sur les pétales, Marianne, un petit panier d’osier au bras, commence la cueillette. Il faut faire vite, la floraison est éphémère. Elle ne dure que 48 heures, la fleur se fane et ses précieux filaments rouges ne seront pas de qualité. Penchée sur la terre humide, Marianne a le geste précis. Le même que celui des cueilleurs du 15ème et 16 ème siècle. Elle enveloppe chaque fleur dans la paume de sa main, elle coupe la tige avec l’ongle et la dépose avec délicatesse dans son panier. Un geste mille fois recommencé puisqu’il faut au moins 180 fleurs pour avoir 1 gramme de safran. La cueillette s’arrête quand la rosée a disparu.
L’émondage
Marianne Bessac est « safranière ». Dans sa famille c’est la tradition, depuis des générations, on cueille le crocus pour en extraire le safran. Elle rejoint sa maman Lucie (96 ans) qui a connu l’époque où le crocus était cultivé dans le jardin pour une utilisation familiale. Il servait de dot pour les femmes « à marier ».
L’émondage se fait dans la cuisine, parfois avec les voisins venus en renfort. Il consiste à couper les 3 filaments rouges qui sortent de la fleur. Lucie a toujours l’oeil vif et son ongle est un véritable scalpel.
Le Séchage
Une fois prélevés, les précieux stigmates doivent être séchés. Ici tout simplement au four de la cuisinière de la maison à 50°.
Le safran va perdre 4/5 ème de son poids. Une fois séché, il est pesé avec une balance d’orfèvre. Sur la table le pot et son « trésor ». Il faut 45 filaments de cet « or rouge » pour 0,1g de safran.
Rendez-vous compte ! 200 000 fleurs sont nécessaires pour obtenir 1kg de safran sec. Il sera vendu alors deux fois le prix de l’or soit 30 000 € le kg.
C’est pourquoi le safran est l’épice la plus chère, la plus rare, qui mérite son surnom « D’OR ROUGE ».
A la fin du mois de Novembre, Marianne ira porter sa précieuse récolte à l’Association des Producteurs dont elle est membre très actif : « Les Safraniers du Quercy ». Une commission d’agrément veille à la qualité du produit. La concurrence est rude. Les produits originaires du bassin méditerranéen ou d’Asie sont souvent de qualité médiocre et parfois frôlâtes. Les 70 producteurs du Quercy espèrent une appellation A.O.C pour bientôt.
Originalité
Le safran du Quercy tire son originalité du fait qu’il est proposé qu’à l’état de stigmates, ce qui explique sa grande richesse aromatique, nettement supérieure au safran en poudre.
Il enrichit aussi bien les mets sucrés ou salés. Quelques stigmates suffisent à « illuminer » les plats. Il faut pourtant connaître quelques secrets de préparation pour préserver efficacement les saveurs de cette épice. Secrets que Marianne et Lucie veulent bien nous confier.
-Mettre les pistils à infuser la veille pour le lendemain
-Les diluer dans un liquide chaud
-Ne les utiliser que 10 à 15 minutes avant la fin de cuisson des plats mijotés.
Cette fleur mauve ramenée par les Croisés, a trouvé dans le Lot sa terre d’élection pour le plus grand bonheur de notre cuisine en lui donnant un petit goût d’aventure, d’exotisme.
Mais pour mieux découvrir toutes les subtilités du safran quoi de mieux qu’un menu au safran du Quercy. C’est ce que nous propose le chef Claude Emmanuelle Robin et son épouse Eugénia à l’Allée des vignes à Cajarc.
Après un tour du monde avec son père, volcanologue,du Mexique au Vanuatu, un BTS de cuisine, un diplôme en management et une responsabilité dans le groupe Accord, il revient au pays….le presbytère de Cajarc devient un restaurant où le Chef Robin réalise une cuisine authentique à base de produits frais issus du terroir.
En semaine, un côté « bistronomique ».
Le soir, du jeudi au samedi, un côté « gastronomique » avec un menu exceptionnel dit « carte blanche » où le safran y trouve sa place. Des plats souvent préparés avec un beurre étonnant fait maison au café et safran du Quercy et les exceptionnelles perles de safran, création exclusive du Chef Robin pour accompagner un fromage « Rocamadour » bio rôti au miel du Causse sur pain brioché maison.
Gageons que le « savoir faire » de Claude Emmanuel Robin et sa cuisine subtile avec le safran sera récompensé par une étoile…
Il s’agit bien là d’un « savoir faire français » que Marianne , sa maman et des producteurs locaux passionnés, a permis la relance du safran « l’or rouge » du Quercy et sa subtile utilisation dans notre gastronomie française.
Texte et photos Jacques DOUAY
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