Birmanie secrète 3/9 : L'Etat d'Arakan

Poursuite du voyage en Birmanie dans l'Etat d'Arkaran.
Baigné par les eaux du golfe du Bengale, l'Etat d'Arakan n'est désenclavé du reste de la Birmanie que depuis peu. D'où, peut être, ce farouche sentiment d'indépendance des Arakanais (ou Rakhaing) vis vis du pouvoir birman. Quant aux musulmans, les Rohingyas, c'est la misère...


Birmanie. Arakan. Le marchand ambulant se rend à pied de village en village


La moto que conduit Nay Sam Linn lui est prêtée par son professeur. Ce jeune étudiant Rackhain, l'ethnie dominante de l'état d'Arakan situé au Nord-ouest du Myanmar (Birmanie), transporte les clients pour améliorer l'anglais qu'il étudie à la faculté. Virée dans Sittwe, son port, son View Point. Puis passage obligé dans le quartier du jeune conducteur, pour y découvrir sa maison. Et sa maman.

Birmanie. Vélo taxi ou rickshaw, moyen de transport citadin le plus répandu.


Bien qu'important centre commercial (plus de 180 000 habitants) et capitale de l'Etat, la ville de Sittwe a des rues en terre battue et le puits est collectif car l'eau courante s'est arrêtée à la rue principale.


Fierté d'un jeune Rakhaing


Il est fier de sa maison, Nay Sam Linn. Fier de sa maison et de sa mère qui prépare, devant chez elle, des soupes de nouilles sur un petit stand où les femmes du coin viennent s'asseoir quelques instants.
Pas question pour moi - évidemment - de ne pas goûter à la cuisine de la mamma et de ne pas papoter avec ces dames qui aiment communiquer (avec les mains, absence de langue commune oblige). La maison, dont l'un des murs est manifestement en train de s'écrouler, est une très modeste construction de bambous “à refaire tous les trois ans” à cause des cyclones et autres calamités.
Birmanie. Sittwe. Petit resto de quartier.

Là, dans cette pièce unique, le jeune homme et ses parents vivent, mangent et dorment, et Nay Sam Linn parle de tout cela avec un enthousiasme réjouissant. Puis avec une fierté joyeuse, il montre un Bouddha en plastique, cerné de lumières qui clignotent. Un objet “rare” dont il m'assure qu'il “enchante ses journées”.
Birmanie. L'école du monastère.



Violences meurtrières


Ici, dans la capitale de l'Arakan proche du Bangladesh, les hommes et leurs religions ont dû apprendre à se côtoyer. Un apprentissage toujours précaire étant donné la violence latente qui alourdit l'atmosphère et n'attend qu'un prétexte pour exploser. C'est ainsi qu'ont éclaté, l'année dernière, des affrontements entre les Rohingyas (musulmans déplacés par la colonisation anglaise au 19e siècle du Bangladesh voisin, et jamais vraiment intégrés à la population rakhaing, elle-même très opposée à la domination birmane, et qui les considèrent toujours comme des immigrés clandestins, voire... des sous-hommes), et des extrémistes de la majorité bouddhiste.
Birmanie. Sittwe. La prière, dans la mosquée vieille de 800 ans.


Deux cent Rohingyas sont tués dans ces affrontements, près de 140 000 déplacés dans des camps, nombre de leurs habitations détruites par le feu. L'ONU considère ces Rohingyas comme une des minorités les plus persécutées au monde.


Bénévolat


Certains s'insurgent contre cette situation de discrimation et d'extrême pauvreté (moins de 2 dollars par jour pour nourrir toute la famille) : une équipe locale de bénévoles rakhaings, médecins et enseignants, ont créé un centre médical et une école pour les plus démunis dans l'un des nombreux monastères (1) de la ville. Opèration de la cataracte, essentiellement, dans le premier. Apprentissage de rudiments d'anglais, de la morale et des règles d'hygiène de vie, dans la seconde. Sujet de fierté: cette école arrive toujours première dans les classements de réussite aux examens !


Quitter Sittwe


Quand je déciderai de quitter Sittwe pour rejoindre la seconde “ville” de l'Etat, à l'intérieur des terres, c'est en bateau que je devrai m'y rendre. Cinq heures de navigation à partir de la rivière Lemro.

Un relation rakhaing rencontrée quelques jours plus tôt et auquel j'ai fait mes adieux la veille de ce départ, me fait la surprise de m'attendre avec un trishaw, tôt le matin, pour me conduire à l'embarcation. Là, avec beaucoup d'autorité, il cherche deux messieurs et me “confie” ostensiblement à eux comme si j'étais une enfant. J'hésite entre remercier et... grincer : j'ai sillonné, seule, plusieurs fois ce pays en tous sens, empruntant bus, trains, motos, trishaws, pick up ou bateaux (et même en diligence à Pyin U Lwin !) Et voilà que pour passer cinq petites heures sur l'eau, la protection de deux hommes me seraient indispensables ?

Birmanie. Arakan. Puits commun à tout le quartier.


Je m'insurge. Puis, réalise qu'ici une femme ne va pas au bout de la rue sans être accompagnée d'une copine, d'une tante ou d'une voisine. Jamais une femme ne se déplacerait seule en Birmanie, quelle que soit son âge. Il me faut donc relativiser...


Ponna Kyun, Satthar, Pyar Tee... les arrêts se succèdent sur le fleuve, avec pour constante des embarcadères souillés de déchets de toutes sortes. Les rivières et les fleuves birmans servent toujours de dépotoir. Une chèvre flotte, le corps gonflé d'eau. S'est-elle noyée ou a-t-elle été jetée morte dans ce fleuve-décharge publique ?

Birmanie. Arakan. Petit matin sur la rivière Lemro

Sur le pont, les passagers sont tellement entassés qu'il est difficile de trouver une place pour poser ses pieds. Je tente pourtant de me déplacer, mais bientôt déséquilibrée il me faut choisir entre écraser un nouveau-né ou heurter un moine bouddhiste. Le bébé sera épargné... mais la robe safran légèrement frôlée. Un regard outragé s'abat sur moi...

Retrouvez tous les reportages de Julie Montagard en Birmanie (Myanmar) :
- la descente de l'Irrawaddy

- sur les marchés, petits et grands

- dans l'Etat d'Arakan, baigné par les eux du Golfe du Bengale et animé d'un farouche sens de l'indépendance

- dans un monastère bouddhiste où exceptionnellement introduite, elle a pu voir les moines dans leur activités d'apprentissage.

- au Nord du pays, pour y découvrir l'ethnie Kachin

- dans les transports à petite allure

- dans l'Etat de Karen

- dormir chez les Palaung

- chanter avec les femmes tatouées de l'Etat Chin


.(1) Pour en savoir plus sur ce monastère, lire (du même auteur): Les Damnés de la Junte. Paris-Match n° 3240.



Par Julie Montagard

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