Anne Roumanoff : « J’aime bien que derrière le rire…passe une émotion »

Anne Roumanoff, au top à 50 ans (dans un mois) et 28 ans de carrière, a pris ses quartiers d’été sur la scène de l’Alhambra depuis le 30 juillet. Elle y prendra aussi ses quartiers d’automne et d’hiver. Du rire et des personnages plus vivants les uns que les autres, mais aussi un zest de réflexion et une pelletée d’amour.  L’humoriste a pris le temps malgré un planning bien chargé, de répondre à nos questions. Interview.

anne romanoff
TPLF - Aimons-nous les uns les autres, est le titre et le fil rouge du spectacle, comment l’avez-vous choisi ?

J’ai choisi ce titre en décembre avant les attentats de janvier comme un pied de nez ironique aux tensions du monde actuel. Je me suis aperçue que beaucoup de sketchs parlaient de difficultés relationnelles, au travail, dans la vie quotidienne, en famille… Je ne donne pas une recette mais je dis on peut essayer d’avoir une attitude plus conciliante, essayer de comprendre les autres.

TPLF - Comment construisez-vous un spectacle ?

D’abord on ne fait pas rire avec le bonheur. Je prends des notes sur une situation, une réflexion… le plus important ensuite est de trouver l’angle pour rendre ça drôle. Cela peut prendre  et quelquefois on s’aperçoit que l’angle n’est pas juste et que le sketch ne fonctionne pas. Cela demande beaucoup de travail. J’expérimente beaucoup de choses en public, je fais des mises au point pour arriver à ce que le sketch marche.  

TPLF - Est-ce que le spectacle change au fil des représentations ?

Beaucoup de sketchs sont écrits et ne changent pas. Quelquefois j’ai une inspiration, je fais une impro et si cela marche, je modifie le texte mais en général  c’est assez carré. De toute façon il y a la partie sur l’actualité qui change avec ce qui se passe et aussi quand je fais monter des gens sur scène où je suis dans l’improvisation.

TPLF - Par deux fois vous choisissez des partenaires dans le public, c’est un élément incontournable  du spectacle ?

Personnellement c’est un grand plaisir, ce sont des moments inattendus où je me mets en danger, mais c’est ce qui fait que chaque spectacle est unique. Les gens ne sont pas spectateurs comme devant leur télé, ils sont partie prenante du spectacle. Ca se passe plus ou moins bien. Il m’est arrivé pour le sketch du couple de faire monter deux mauvais clients mais quelquefois ce sont deux personnes extraordinaires et on peut atteindre des sommets de rires. Pour moi c’est jubilatoire mais quelquefois je me dis merde pourquoi j’ai pris cette personne ! Il arrive que quelqu’un me demande de descendre et ça me soulage mais je ne renvoie pas les gens si ça ne fonctionne pas !

Vos personnages sont très précis et justes, comment les fabriquez-vous et avez-vous une préférence pour l’un d’eux ??

Je suis très à l’affût de ce qui se passe autour de moi et j’a une bonne mémoire. Je m’imprègne de beaucoup des choses puis ça resurgit. Je les aime tous. Chacun a des difficultés de jeu différent. Comme avec les enfants je ne peux pas dire que j’en aime plus l’un que l’autre mais je m’éclate plus certains soirs à interpréter l’un ou l’autre.

TPLF - Est-ce que les réactions du public diffèrent d’un jour sur l’autre ?

Chaque public est différent, il y a des jours où un sketch passe mieux, où le public est plus réceptif même si  les gens rient toujours au même endroit. Le public peut être différent en semaine que le week-end ou en fonction de son état d’esprit et aussi de l’actualité. J’ai joué le soir du 11 septembre et  celui du 7 janvier, l’ambiance était forcément particulière. Ces soirs là, certains mots touchent plus que d’autres ou prennent une autre valeur.

TPLF - Vous n’écrivez pas que pour faire rire, on sent aussi derrière l’humour une volonté de faire réfléchir ?

J’aime bien que derrière le rire il y ait une petite morale, pas de dire ce qu’il faut faire mais une réflexion, élever un peu le débat et ne pas rester que dans le comique d’observation. J’aime que passe, une émotion.

TPLF - 28 ans de carrière, toujours là et bien là, la scène c’est votre motivation ?

J’adore être sur scène. En 28 ans, j’ai évolué, je me suis remise en questions, mais je suis en connexion avec le public. L’humour a changé. Les choses vont très vite, on ne fait pas des sketchs comme il y a 28 ans ni même comme l’année dernière. Je suis tout le temps sur scène, je pédale. Quand on est sur scène on perçoit ses évolutions.

TPLF - Vous vous produisez dans des salles « à taille humaine », c’est un choix délibéré de rester proche du public ?

En tournée, mon mari préfère faire 5 dates dans des salles de 800 places qu’une seule dans dun Zénith. Les gens sont plus satisfaits de me voir de près. Je comprends ceux qui choisisse des grandes salles, cela a un côté star, moi c’est plus artisanal. C’est ça qui fait que je suis plus proche du public. Les gens me font des remarques dans la rue. C’est en général assez affectueux et pas collant même s’il y a aussi « eeh, tu me racontes une blague ? »

TPLF - Il y a le personnage de la coach bien-être dans le spectacle, avez-vous eu recours à ce type de  conseilleurs ?

Pas du tout. Je n’aime pas du tout qu’on me dise ce qu’il faut que je fasse même quand ça vient de la famille. Alors des autres, ça me donne envie de les fracasser.

TPLF - Vous vous remettez en questions toute seule?

Je me critique, des fois trop.

TPLF - 50 ans dans un mois, est-ce que vous vous sentez mieux qu’à 20 ans ?

Clairement mieux qu’à 20 ans. 50 ans, petite ça me paraissait très vieux mais les femmes de 50 ans ne sont plus les mêmes qu’il y a 30 ans. C’est évidemment une étape. On pense au passé mais on se projette aussi dans l’avenir.

TPLF -Est-ce que vous vous aimez davantage ?

Je n’avais pas de problème à m’aimer, c’était plutôt de me sentir bien dans ma peau. Je voulais que tout le monde m’aime.

TPLF - Si c’était à refaire, que changeriez-vous dans votre vie ?

Professionnellement je suis passée à côté de certains trucs. En 2012, j’aurais mieux fait de ne pas faire de télé. Je regrette certains mecs que j’ai envoyé bouler…je n’ai pas de regrets, les erreurs on en fait, elles correspondent à ce qu’on était.  Il y a un mec dont j’étais amoureuse et qui ne voulait pas de moi, si c’était maintenant, je l’enverrais chier plutôt que de l’attendre.

TPLF - Avec votre mari (Philippe Vaillant), producteur, vous avez une complémentarité, c’est un atout pour la réussite de vos 24 années de vie commune ?

Certainement mais ça ne règle pas tous les problèmes non plus.

TPLF -Est-ce que le bonheur est en vous, comme dit l'un de vos personnages ?

Parfois oui et quelquefois il s’en va, je n’ai pas de recette magique.

 

 Par Véronique GUICHARD

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