Madjiguène Cissé : Développement durable

57 ans, née au Sénégal, Madjiguène Cissé a vécu en France où elle a notamment été une des coordinatrices du mouvement des Sans papiers en 1996-1997. Depuis 2000, cette militante marxiste et féministe, professeur d'allemand s'est engagée dans le Réseau des Femmes pour le Développement Durable en Afrique (REFDAF) et se bat pour la création de la Cité des femmes à Dakar.



«Nous privilégions le travail en profondeur, dans une perspective de développement durable. Notre priorité, c'est la lutte contre la pauvreté et les inégalités qui frappent les femmes dans les sociétés africaines. Nous avons commencé par un état des lieux en matière d'éducation, de formation, de sensibilisation et l'information. En effet, on nous parle d'égalité, de droits, mais ça veut rien dire sans ce préalable : savoir lire, écrire, prendre des notes, faire des comptes rendus, utiliser un ordinateur, conduire une réunion de façon constructive. Pour que le mouvement existe et s'étende, il fallait en passer par là. Après seulement, nous avons commencé à , élaborer et conduire des projets.
La Cité des femmes de Dakar est un projet qui nous tient particulièrement à cœ,ur. Il s'agit d'un projet d'habitat pour les femmes les plus démunies. Le premier droit est celui d'avoir un toit, et les femmes nous ont très vite interpellé(e)s sur ce sujet, parce qu'elles sont complètement dépendantes des hommes en matière de logement. En s'organisant en réseau, sur un mode coopératif, elles étaient en mesure d'épargner au moins des petites sommes et voulaient investir dans un projet d'habitat. En décembre 2002, 325 femmes avaient déjà cotisé 500 000 francs. La société des HLM de Dakar a accepté de leur vendre des terrains viabilisés et chacune possède l'apport nécessaire pour acheter son lot. Mais il leur manque de l'argent pour construire, et nous avons pensé mettre en œ,uvre un mouvement de solidarité internationale pour financer le projet, en demandant par exemple, à chaque féministe européenne de donner 10 euros. Des architectes sont venues d'Allemagne et l'école d'architecture e Sheffield en a fait un projet d'étude pour les étudiants. Nous voudrions mettre en place un réseau solidaire, avec des volontaires qui viendraient construire la cité : des plombières, des peintres, des charpentières issues du monde entier pourraient à la fois contribuer directement et assurer la formation des femmes et de leur famille dans chacun de ces corps de métier. C'est une cité que nous voulons originale, sortant de l'ordinaire. Elle ne s'articule pas autour d'espaces individuels, mais selon une logique collective.


Les femmes sont très claires là-dessus depuis le début. Elles disent : Je ne veux pas de mur entre ma copine et moi. Elles ont tout de suite envisagé des cuisines communes comme en Amérique du Sud, par exemple. Le premier espace à sortir de terre sera l'atelier de construction. Il sera édifié par des spécialistes qui nous montreront comment procéder pour la suite, en termes de matériaux et d'intégration à l'environnement, pour que cette cité soit aussi écologique et économique, respectueuse des personnes et intelligente en termes de consommation énergétique.

Quand nous sommes nées, en 2000, nous sommes restées en vase clos. Notre première sortie date du 15 juin 2004 : nous avons organisé une grande manifestation de femmes et une foire où les femmes ont présentés leurs produits. En même temps, nous avons voulu faire le point sur notre action et sur les buts que nous voulions nous fixer. Deux tables rondes ont été organisées, l'une sur « les femmes et le foncier », l'autre sur « la microfinance ». Sur ce dernier point en particulier, nous avions besoin de définir une stratégie. En effet, le microcrédit est souvent présenté comme une solution, mais force est de constater que si cela créé de l'activité, cela ne créé pas de développement. La plupart des femmes multiplient les petits crédits, mais elles ne parviennent pratiquement jamais à gagner assez pour acquérir l'autonomie nécessaire, au-delà de la survie immédiate, à la poursuite de leurs projets. Pour aller au bout de ces réflexions, nous avons besoin de nous former encore et de nous informer, sur le terrain. C'est pourquoi nous avons recueilli les besoins de formation de chaque région et nous envisageons une tournée de formation technologique, notamment en matière économique.»


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