Selma Baccar : Femmes à la télévision

Née à Tunis, Selma Baccar est productrice, réalisatrice de cinéma et de séries télévisées dans lesquelles elle met en scène la situation de la femme en Tunisie.



«En 1975, je tourne Fatma 75, un film qui retrace la vie des grandes figures du féminisme tunisien de 1930 à 1975. Malheureusement, il sera censuré en Tunisie dès sa sortie, alors qu'il ma été commandé par le ministère de la Culture. J'ai filmé des témoignages dérangeantes comme celui d'une ancienne militante « mise » aux oubliettes, Bechira Ben M'Rad, fondatrice de la première association de femmes tunisiennes ou encore celui de l'écrivain Tahar Haddad, qui, dans son livre Notre femme dans la religion et dans la Souna, paru dans les années 30, a préconisé de rendre à la femme la place qui lui revient dans la société. La censure étant la chose la moins bien justifiée et la plus contradictoire, Fatma 75, qui devait passer à la télévision le 5 mars 1988, a été remplacé par un autre film à la dernière minute et sans explication.

Dans Fatma 75, je démontre que l'émancipation des femmes, bien qu'inscrite dans la constitution tunisienne, n'est pas entrée dans les mentalités ni dans les mœ,urs.



Depuis 1985, je produis mes propres films. Etre une femme réalisatrice présente plus d'avantages que d'inconvénients car l'équipe du tournage se met au service de la réalisatrice pour l'aider à donner « naissance » à son rêve. Par contre, quand une femme veut devenir productrice ou directrice de production, les grincements de dents se font entendre. Qui dit production dit pouvoir de décision et pouvoir financier. Et dans l'imaginaire collectif, la femme ne correspond pas à cette image.

En 1994, j'ai consacré un long-métrage à une femme qui me fascine.

Il s'agit d'H'siba M'sika, une cantatrice des années 30 brûlée vive par son amant. Pour moi, cette artiste juive, tunisienne, qui interprétait des chansons et des pièces en arabe qu'elle transposait en lettres latines, était une icône. Dans la Tunisie de l'époque, éprise de libertés, elle représentait un idéal critiqué mais envié.

En 1997, j'ai réalisé une série de documentaires pour la télévision tunisienne sur la femme et le pouvoir en terre d'Islam. Ce fut pour moi très révélateur. J'ai découvert avec émerveillement que la femme musulmane a toujours joué un rôle important dans les décisions politiques. C'est par exemple le cas de Chajaret El Dorr, une reine mamelouke de l'Egypte du IXème qui a dirigé le pays sous le règne de son premier mari puis de son amant qu'elle a réussi à faire monter sur le trône et à épouser en secondes noces !

Depuis 1997, j'ai réalisé une série de 30 épisodes sur le quotidien d'un jeune couple. C'est une satire humoristique sur la société tunisienne contemporaine qui a déclenché une vive polémique dans les journeaux. La représentation des rapports homme-femme dans un couple en dehors des normes « avouées », où la femme a souvent le dernier mot, a choqué.»


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